Re: recherche trace du nom Hirschsprung a Pzemysl
Posté par:
albert hirschsprung (IP Loggée)
Date: 28 mars, 2013 17:27
La camarade Renée du BUND.
Rywka est née le 17 Octobre 1899 à Cracovie; elle sera connue par la suite sous le nom de Renée Hister. C'est la première fille d'une famille aristocratique juive. Sa mère, Kreindla, appartient à la famille du rabin Hirszprung (Hirschsprung?) . Les parents de Renée sont très croyants et l’élèvent selon les principes religieux. Sa scolarité commence dans une école de stricte obédiance. Son père, Leib Hister, meurt prématurément en laissant une femme avec cinq enfants. Le fils ainé, plus âgé que Renée, et qui se destine à devenir rabin, meurt de faim et de maladie durant la première guerre mondiale, à l'époque où l’armée russe assiège la ville-forteresse de Pszemysl. (Nous ignorons tout de lui). Les trois autres enfants de Kreindla sont, Estera (Hirschsprung) née le 1 Avril 1903, Sarah (Hirschsprung) née le 29 Novembre 1906 et Kalman Symcha (Hirschsprung) né le 30 Juillet 1909. Après une longue résistance, la ville fortifiée capitule en raison de la famine qui y sévit. Le siège a duré 133 jours, soit près de quatre mois et demi, du 9 Novembre au 22 Mars 1915, date à laquelle la garnison autrichienne s'est finalement rendue.
La jeune Renée est en état de choc.
Aussitôt après avoir pris et occupé Pszemysl, l’armée tsariste émet un décret qui ordonne aux juifs de quitter la ville.
Alors que Kreindla et ses enfants s’apprètent à monter dans le train, un garde cosaque sépare Renée de sa famille et l’empêche de partir avec eux. Comme ni les prières ni les larmes ne semblent attendrir ce cosaque malveillant, un médecin militaire juif, témoin de la scène, va chercher son commandant. Celui-ci donne l’ordre qu'on cesse d'harasser la jeune fille. Durant cet épisode elle demeure sous la protection de ce médecin. La même année, l’armée russe est finalement chassée de Przemysl, ainsi que des autres villes de Galicie. Les juifs qu’on avait obligés de quitter la ville y reviennent et peuvent enfin réintégrer leur famille. Renée retrouve la sienne. Ces terribles années de guerre vont donner une direction différente à sa vie et la déterminent à ne pas suivre la voie traditionnelle de son père. Celui-ci était contremaître dans une distillerie dont le patron polonais venait parfois lui rendre visite pour l'entretenir des affaires concernant son entreprise. (Polonais, dans ce contexte, veut probablement dire non-juif) Au risque de perdre son emploi, Leib Hister a toujours refusé de parler travail pendant la journée du Samedi.
Dans l'environnement qui a été celui de sa jeunesse, Renée a été témoin de cette rigoureuse adhésion à la tradition. Elle la respecte, mais choisit de se dévouer à une idéologie plus pressante et mieux en accord avec les nouvelles réalités sociales: les injustices qui menacent les communautes juives, et la condition ouvrière en général. Après le départ de l'armée russe, elle décide d'agir en prenant une part active dans la vie culturelle qui renaît peu à peu. Dans un premier temps, elle observe les activités des différentes organisations juives, orthodoxes, zionistes, socialistes, etc, et prend connaissance de leur programme. Elle s'intéresse également aux activites du Parti Social-Démocrate Polonais, auquel adhéraient des juifs assimilés, membres de l'intelligentzia aussi bien qu'ouvriers, au moment où celui-ci décide de s'unir au Parti Socialiste Polonais (P.P.S.) qui était une force politique à Pszemysl. Ses origines et a réflexion personnelle la conduisent à adhérer au Bund, organisation socialiste juive à laquelle elle demeurera fidèle toute sa vie. Elle est enthousiasmée par la figure charismatique de son dirigeant, Wladimir Medem, dont elle va écouter les discours et lire tous les articles avec passion .
Après la mort de son père et de son frère aîné, elle se voit contrainte d'aider sa mère à prendre soin de son jeune frère et de ses soeurs. Très jeune, elle commence à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. A la fin de la première guerre mondiale, elle se rend à Lemberg (Lwow), où elle trouve un emploi dans une compagnie pétrolière.
En Avril 1920 a lieu la première conférence nationale du Bund. Cette conférence, au cours de laquelle le Bund va s'unir au Parti Social Démocrate Juif de Galicie, se tient à Cracovie. Renée décide de s'y rendre, à la fois pour prendre la mesure de ses dirigeants et rendre visite à sa proche famille rabinique.
Sans doute surpris de voir leur jeune parente si professionnellement et politiquement engagée, ceux-ci lui demandent si elle travaille également le Samedi. Question embarrassante, car elle ne veut ni leur causer de chagrin ni mentir. Elle leur avoue la vérité. Celle-ci peine à tel point ces parents si profondement attachés à leurs traditions, qu'ils se tournent contre le mur et se mettent à pleurer.
L'engagement sérieux de Renée au sein du Bund, et de l'organisation de la jeunesse Bundiste 'Zukunft’ à laquelle elle consacre plus particulièrement ses efforts, a commencé à Pszemysl.
En 1919, elle est déléguée du conseil ouvrier. Ses discours virulents à l'égard de la position du P.P.S., concernant la guerre qui oppose la Pologne à la Russie, provoquent des remous. Le dirigeant du P.P.S. Herman Liberman, juif assimilé originaire de Pszemysl, exige qu'elle soit expulsée du conseil, mais grâce à l'intervention énergique d'un groupe de délégués polonais favorables à ses arguments, la motion d'Herman Liberman est rejetée.
Après plusieurs années d'activités au sein de la section du Bund de Lemberg (Lwow), elle se rend à Varsovie pour pour représenter, au troisième congrès national de l'organisation ’Zukunft’, la Jeunesse Bundiste de sa région . Ce congrès réunit 37 délégués. Elle y expose sa vision politique et, parmi une faction de sept délégués minoritaires, composée de Nathan Szafran, du Docteur Wilhelm Alexandrovitch, d'Alex Rosencwajg, de Joseph Szlarz, de Joseph Kligsberg et de Lucian D..., qui tenaient à conserver l'appellation 'Bund' parcequ'elle leur paraisait déterminante et correspondait à leur philosophie politique, elle s'oppose à ce que le mouvement change de nom.
Après ce congrès, Renée s'installe à Varsovie où elle poursuit ses études supérieures. Elle se destine au professorat, tout en militant activement au service central du syndicat des coopératives juives de Pologne et à la centrale des coopératives du Bund, organisations auxquelles elle se consacrera jusqu'au début de la deuxième guerre mondiale.
Son directeur de thèse est le socialiste Ludwique Krzewi(n)tski. Il l'engage à écrire un mémoire sur 'le travail de la femme et de l'enfant dans l'industrie polonaise."
Afin de pouvoir enquêter sur le sujet, il lui faut visiter librement les usines. Elle y parvient grâce à la recommandation de l'influente inspectrice du travail , Madame Haline Krahelska. Elle peut ainsi enquêter sur la condition ouvrière dans les usines de Lodz et de Zaglebie et d'autres ateliers de la région. La synthèse de ses enquêtes est finalement présentée au Professeur Krzewi(n)tski qui fait l'éloge de son travail. C'est également à Varsovie qu'elle épouse l'auteur du présent hommage. De cette union naitra un fils.
En Pologne, elle continue toutefois de figurer sous son nom de jeune fille, Renée Hister. Elle consacre tout son temps libre à la cause du Bund.
De 1925 à 1936, elle fait partie du comité régional de Varsovie avant de devenir membre à part entière du comité central de 'Zukunft' (mouvement de la jeunesse Bundiste) où elle forme régulièrement les groupes de jeunes militants. Ses activités sont nombreuses. Elle dirige pendant longtemps la section 'jeunesse' du conseil national des syndicats ouvriers juifs, donne des conférences publiques sur la situation économique et sociale des jeunes ouvriers, écrit des articles sur ce sujet dans 'Jungen Wecker" , l'organe de presse de la jeunesse Bundiste, et participe en tant qu'orateur à diverses campagnes électorales en province et à Varsovie. Elle prend part, dès les premiers jours, à la creation du mouvement des femmes Bundistes, le 'JAFF' (AF). A la veille de la deuxième guerre mondiale, on lui demande de représenter le 'JAFF' (AF). au congres national du Bund . En Automne 1939 elle s'installe à Kovno puis à Vilno, deux villes où elle fait partie du comité d'aide sociale aux refugiés.
A la fin de l'année 1940 elle parvient à fuir la folie meurtrière Nazi et s'exile avec sa famille à New-York, ville où elle occupera pendant 22 ans le poste de secrétaire de la 'Yiddishe-Kultur-Kongress' .
Le 4 Mars 1974 elle est victime d'une fracture du col du fémur. Elle subit une opération, puis est envoyée dans une clinique de rééducation où elle meurt le 18 Avril 1975. Quelques heures avant sa mort nous parlions calmement, elle et moi, de litérature et des sujets d'actualité sans qu'aucun pressentiment nous avertisse que nous allions nous quitter pour toujours.
Durant les obsèques, qui ont eu lieu le 22 Avril 1975, Emanuel Szeref et Joel (....a) prononcèrent son éloge funèbre. Szulim lut le poëme de Perez qui dit; "Ne pense pas que le monde est une auberge". Ce poëme, Renée l'avait récité 3 heures avant sa mort.
Szulim, New-York le 3 mai 1975.