Andrzej a écrit:
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> Si tu veux parler de Stefan Bandera, chef de
> l'OUN-B
> Oui.
> Par exemple. Est-ce que tu peux dire que ce titre
> a bandera etait favorablement accueilli en
> Pologne?
Youchtchenko lui a donné le titre de "héros de l'Ukraine" à la fin de son mandat. Dans quelle mesure ce geste n'avait-il pas de connotations politico-électorales ?
Ceci dit, je sais que ce geste fut très mal accueilli en Pologne où Bandera est toujours diabolisé et, pour ceux qui ignore l'histoire complexe de cette période, rassemble sur sa personne l'ensemble des crimes commis par les Ukrainiens pendant la seconde guerre mondiale (bizarrement, la propagande communiste utilisait exactement les même arguments repris aujourd'hui par certains Polonais pour disqualifier et Bandera, et l'UPA, qui osaient revendiquer une Ukraine indépendante de l'URSS).
... Et j'ai du mal à comprendre pourquoi !
Ainsi, même en Ukraine de l'Est, on ignore qu'il ne fut pas le chef de l'UPA pour la bonne raison qu'il se trouvait alors interné dans le camp de concentration de Sachsenhausen … ce que les Ukrainiens ignorent ainsi que des Polonais : un nazi dans un camps de concentration, impossible !
Pour rappel, l'UPA fut fondée en octobre 1942 (date officielle) même si on doit plutôt parler du début 1943. Le 3e congrès de l'OUN qui se tint au début de l'année 1943 n'a jamais traité du "nettoyage ethnique" des Polonais contrairement à ce que certains affirmaient et affirme encore sans preuve, et que l'IPN sait et reconnait sur la foi de documents aujourd’hui connus. Ce congrès décida la formation d'une force armée (l'UPA) chargée de lutter par la guérilla contre les nazis et contre les partisans communistes contrairement aux actions isolées antérieures laissées à l’initiative de chaque responsable de secteurs. D'autre part, il révoqua totalement les tendances extrémistes de droite (identiques à celles du Parti National polonais) au profit d'un programme qu'on peut qualifier de social-démocrate non marxiste comme il y en eu après la guerre dans les pays scandinaves et en Allemagne de l’Ouest.
Remarquons au passage que l'UPA a vu le jour en Volhynie et non en Galicie où l'OUN avait pourtant une pénétration très forte.
Au cours de la même période, toujours en Volhynie, une autre UPA avait été fondée précédemment par un ancien officier de l'UNR dont le nom de code était Taras Boulba Borovets. Cette "première" UPA fut armée par les Allemands et chargée par eux de lutter contre les partisans soviétiques. Elle acquit une certaine indépendance et n'est pas étrangère non plus à des sévices contre les Polonais et les Ukrainiens des autres tendances politiques. Parallèlement à l'UPA "Borovets" et à l'UPA/OUN-B, on trouvait aussi des partisans obéissant à l'OUN-M. Je sais, ça se complique ! Cette OUN-M (M comme Melnyk, le chef de cette tendance opposée à Bandera) avait, contrairement à l'OUN-B, choisi de jouer le jeu de l'Allemagne. C'est elle qui a fournit la plupart des "collaborateurs" et policiers ukrainiens contrairement à l'OUN-B qui déclara la lutte contre les nazis en septembre 1941.
Il faut aussi ajouter, à l’époque des massacres, une vaste action de représailles menée contre l’AK et l’UPA par les nazis au moyen de troupes hongroises et de la police allemande. Des forces paramilitaires comme la police auxiliaire ukrainienne et la police bleu-marine polonaise participèrent également aux opérations. En outre, les actions menées par les partisans communistes qui se sentaient également menacés redoublèrent et visèrent tous les « anti-communistes » et « nationalistes » de Volhynie, tant polonais qu’ukrainiens.
Dès lors, y eut-il un seul « coupable », même si l’UPA/OUN-B a une part importante de responsabilité.
Dans l’entre deux-guerre, Bandera participa à l’assassinat du Ministre de l’Intérieur Bronisław Pieracki. Il fut arrêté en 1934 (il était devenu chef de l’exécutif de l’OUN en Galicie l’année précédente) et condamné à mort comme complice. Sa peine fut commuée en détention à vie et il fut emprisonné dans la
Zakład Karny Wronki où étaient détenus les prisonniers politiques de Pologne. Lors de l’invasion de 1939, tous les détenus, dont Bandera, furent libérés par les Allemands sans qu’ils ne cherchent à savoir qui ils étaient.
En 1940 eut lieu la scission de l’OUN entre les tendances menées par Bandera et Melnyk. Bandera représentait les Ukrainiens « de l’intérieur », surtout la jeunesse, tandis que Melnyk dirigeait l’organisation depuis l’étranger. Auprès des Allemands, l’OUN-B noua des relations avec la Werhmacht et l’Abwehr tandis que l’OUN-M se rapprochait davantage du SD et d’autres organisations politiques nazies. La coopération entre l’OUN-B et les Allemands a été décrite comme « ambivalente » (tactique et opportuniste) par les historiens : chacun voulant se servir de l’autre pour atteindre ses objectifs.
Avant l’opération Barbarossa, Bandera coopéra avec les Allemands et obtint que deux bataillons d’environ 300 hommes chacun soient entrainés par l’Abwehr et intégrés à la Werhmacht (et non à la SS comme on le lit ici ou là, lorsque feint d’ignorer que cette « élite » était réservée aux Allemands « pur-sang »). Il s’agissait de marquer la présence d’une force armée ukrainienne lorsque l’indépendance serait à nouveau proclamée.
Ce fut fait à L’viv le 30 juin 1941. Bandera se trouvait alors à Kraków. Cette indépendance proclamée unilatéralement n’était pas du goût des nazis et ne faisait de toute manière pas partie de leurs plans, aussi Bandera fut arrêté le 5 juillet, envoyé à Berlin puis, comme il refusait de désavouer la déclaration d’indépendance, dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Les nazis commencèrent aussitôt la chasse contre les partisans de l’OUN-B et tuèrent ou emprisonnèrent ceux qu’ils purent arrêter. C’est ainsi que deux frères de Stefan Bandera furent envoyés à Auschwitz où ils furent exécutés en 1942. Le 25 novembre 1941, un ordre secret émis par les nazis disait que
« le mouvement de Bandera est en train de préparer une révolte dans le Reichskommissariat [Ukraine ne faisant pas partie du Gouvernement Général] dont le but est de d’établir une Ukraine indépendante. Tous les membres du mouvement de Bandera doivent être arrêtés puis, après interrogatoire, liquidés en tant que bandits … ».
Le fait est que les nazis savaient faire la différence entre les deux tendances de l’OUN.
> Ceci dit, je veux seulement souligner qu'il n y a
> pas, a mon avis, suffisamment de reciprocité dans
> les relations polono-ukrainiennes quant a
> l'analyse de cette periode de la derniere guerre
> et tout de suite apres la guerre et quant a l'aveu
> des fautes commises envers l'autre
Lorsqu’on aborde la question des massacres de Volhynie, les Ukrainiens ne les nient pas mais la plupart cherchent à les justifier en faisant une liste des mesures de rétorsion bien réelles dont se sont rendues coupables les autorités polonaises et qui se sont accentuées après la mort de Pilsudski. En fait cela traduit une sorte de gêne à traiter ce sujet : on sait que ces massacres ont eu lieu, on sait qui est responsable mais on ne veut pas en parler. Sans doute parce que ces massacres, s’ils peuvent s’expliquer, sont de toute manière inexcusables et on a honte, tout simplement.
Autant les pertes provoquées par les combats entre membres de l’AK et de l’UPA sont « justifiables » puisqu’ils mettaient en présence des soldats, autant le massacre de « civils » est inadmissible et est une tache pour les combattants.
Remarquons que la réaction polonaise est identique lorsqu’on évoque les massacres d’Ukrainiens ou de Lituaniens par l’AK ou même par l’UB et l’AL communiste après 1945.
C’est difficile d’admettre que certains, considérés dans leurs pays respectifs comme des héros, ont pu se comporter à un moment donné comme des bandits.
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