Même si la question de la minorité ukrainienne polonaise était exclue du mouvement prométhéiste, beaucoup de ses membres marquèrent un intérêt certain pour celle-ci afin d'établir non pas une relation de dominant/dominé mais un véritable partenariat comme il existait à l’époque de l’Empire autrichien.
De nombreux politiciens de Warszawa se montrèrent hostiles à cette démarche, surtout ceux qui soutenaient les partis nationaux, mais pas seulement.
Pilsudski lui-même commis une faute en 1930 lorsque dans un mouvement d’humeur, il ordonna à son ministre de l’Intérieur d’entreprendre la « Pacification » des trois voïvodies de l’ancienne Galicie orientale (celles de Lwów, Stanilawów et Tarnopol). En quelques semaines, un travail intense fut ruiné par cette politique du bâton ou plutôt du fouet maniés par les policiers et les soldats qui occupèrent les municipalités ukrainiennes mises sous tutelle (voir la partie 1 et ce qui a trait à Tadeusz Hołówko, un animateur important du mouvement Prométhée et proche collaborateur, en ce domaine, du Maréchal).
La mort du Maréchal fut le point final de ce lent processus intérieur. Non seulement le prométhéisme perdit tout intérêt auprès du gouvernement central mais les tentatives de rapprochement intérieurs avec la principale minorité (20% de la population de la Pologne) furent non seulement stoppées mais les différences furent encore aggravées. L’exemple le plus important fut le démantèlement du travail de Henryk Józewski, dont je parle ci-après, en Volhynie.
Polonais, il était le défenseur de la langue ukrainienne dans les régions où la majorité de la population la parlait.
En 1939, on ne comptait plus que 8 écoles enseignant dans cette langue au lieu de ~500 deux auparavant. Plus de 150 églises orthodoxes avaient été transformées en églises catholiques romaines malgré les protestations de la population locale. Parlons aussi de l’irresponsabilité des jeunes colons polonais de cette région qui, influencés par le Parti National, créèrent des milices qui mettaient sens dessus dessous les villages volhyniens.
En recherchant des informations, j’ai donc rencontré cette personne peu connue, ou sans doute oubliée, nommée
Henryk Józewski dont le parcourt mérite, je crois, d’être conté : [
en.wikipedia.org]
Polonais né à Kyiv (Ukraine) en 1892, il rejoint le POW de Kyiv en 1915 et en devint le chef adjoint dans cette ville – il mène son action politique parallèlement à sa carrière d’artiste peintre.
En 1919 il déménage à Warszawa où il devint un ardent partisan de l’alliance polono-ukrainienne (celle de Petliura ou Ukraine « du Dniepr ») et également un des proches de Pilsudski dans le mouvement Prométhée.
En avril 1920, il devient vice-ministre de l’Intérieur du gouvernement ukrainien de l’UNR qu’il suivra jusqu’à son exil en Pologne à Tarnow. Il fut un ami personnel de Petliura qu’il protégea afin d’empêcher son extradition en Russie bolchevique comme cela fut demandé après la signature de la Paix de Riga en 1921.
Il fut décoré de la
Virtuti Militari en 1923 et apporta son soutient au Maréchal Pilsudski lors du coup d’Etat de 1926.
Membre du gouvernement en août 1927 il devient Voïvode de Wolyn (Volhynie) de 1930 à 1938 sauf en avril-mai 1930 lorsqu’il servit au Ministère de l’Intérieur.
Dans cette région, comme membre du mouvement Prométhée, il fut à l’origine de l’organisation d’importants réseaux de renseignement et d’infiltration dans la RSS d’Ukraine. Ces réseaux étaient composés d’Ukrainiens obéissant au gouvernement en exil de l’UNR soutenu par Warszawa et financé par la Pologne.
Comme gouverneur de cette région à majorité ukrainienne, il se consacra à l’amélioration des rapports entre Polonais et Ukrainiens. Il proposa une large autonomie dans le gouvernement de cette région et nomma de nombreux Ukrainiens non seulement à des postes administratifs importants mais aussi dans le gouvernement local : les plus proches parmi ses collaborateurs étaient d’anciens membres de la République Populaire d’Ukraine. Il soutenait aussi les associations ukrainiennes et mixtes polono-ukrainiennes, l’enseignement de la langue ukrainienne dans les écoles et plaidait en faveur de l’introduction de l’ukrainien comme langue officielle à l’échelon local.
Après la mort de Pilsudski, il défendit la recherche de solutions pacifiques pour résoudre le problème des minorités. Son influence décrut fortement face aux Nationaux Démocrates hostiles à toute concession. Taxé d’ukrainophilie, il fut déplacé dans la voïvodie de Łódź en 1938 … où il n’y avait pas d’Ukrainiens.
En octobre 1939, il s’engagea dans la Résistance et devint l’un des chefs de
Służba Zwycięstwu Polski (Service pour la Victoire de la Pologne) puis, plus tard, le commandant pour Warszawa de
Związek Walki Zbrojnej (Association pour la Lutte Armée) qui devint en 1942 l’
Armia Krajowa (Armée de l’Intérieur).
Après l’entrée de l’Armée Rouge, il passa à la résistance anti-communiste où il agit surtout comme rédacteur de publications clandestines. Arrêté en 1953, il fut condamné à la prison à vie, peine qui fut réduite à 12 ans en 1956 mais il fut libéré peu après à cause de la détérioration de son état de santé.
Il adhéra à l’Association polonaise des peintres et décéda à Warszawa le 23 avril 1981.
Quelques unes de ses peintures sont exposées au Musée National de Warszawa.