Bronislav Kaminski et la RONA
Posté par:
Paul (IP Loggée)
Date: 08 mars, 2011 02:49
Bronislav Kaminski et la RONA
A la fin de l’année 1941, à la suite de l’invasion de l’Union soviétique, le maire de Lokot, une petite ville d’environ 6.000 habitants située au sud de Bryansk (Russie – environ 420 km SO de Moscou), ordonna qu’une petite milice soit levée pour répondre aux nombreuses attaques des partisans communistes. Initialement, la milice ne comptait pas plus de 400 hommes.
Cette unité, formée en décembre 1941, était armée d’armes légères et vêtue d’un mélange de vêtements civils et d’uniformes provenant de l’Armée Rouge, de l’armée Tsariste ou allemande. Elle avait pour tâche de combattre les partisans dans les alentours de Lokot et servait aussi de garnison à la gare de chemin de fer de Brassovo. Ces volontaires étaient très efficaces, trop même, au point qu’une équipe spéciale de partisans fut chargée d’attaquer la maison communale de Lokot. Le maire qui était seulement protégé par quelques miliciens fut tué ainsi que la plupart de ses adjoints. Un membre de l’Etat major du maire, Bronislav Vladislavovitch Kaminski, avait quitté le bâtiment peu avant l’attaque. Il occupa ensuite les fonctions de maire et de commandant de la milice.
Bronislav Kaminiski était né à St-Petersbourg en 1903 d’un père polonais et d’une mère allemande. C’était un ingénieur chimiste qui, comme « étranger », était considéré comme peu fiable par les autorités soviétiques. Aussi, il fut arrêté et condamné à cinq ans de Goulag pour espionnage au profit de l’Occident. A sa libération, il fut envoyé à Lokot quelques mois avant le déclenchement de l’Opération Barbarosa.
Une fois obtenu le commandement, Kaminski fit tout son possible pour augmenter les effectifs de sa milice et travailla dur pour qu’elle obtienne un meilleur équipement, particulièrement des armes. Il envoya des hommes ratisser le secteur afin de récupérer tous les équipements qui pouvaient être réparés et réutilisés. Il essaya aussi d’obtenir des armes et uniformes des Allemands, à la fois par les canaux officiels et aussi directement auprès des unités allemandes que ses hommes étaient chargés de protéger (surtout ceux de l’Organisation Todt).
Le Heeresgruppe Mitte commença à s’intéresser cette milice après un combat important que livra cette unité contre environ 3.000 partisans. En conséquence, Kaminski gagna une grande liberté pour gérer une région qui dépassait maintenant largement le secteur de Lokot et contrôlait 1.700.000 habitants.
Kaminski contrôlait alors le “Lokot Oblast”, lequel était en réalité beaucoup plus grand que ce qu’il représentait sur le papier. Il favorisa les petites entreprises et privatisa des industries. Il rouvrit également quelques églises et des écoles primaires. Les Allemands n’intervinrent pas tant que leurs lignes de communication et de ravitaillement étaient protégées et sécurisées. En outre, Kaminski tenta, sans grand succès, de reconstituer le Parti National-Socialiste Russe renommé Parti du Travail National-Socialiste de Russie.
Kaminski renomma ses troupes RONA (Armée Populaire de Libération Russe), parfois désignées sous le sigle POHA d’après l’alphabet cyrilliques. Les Allemands la nommaient ‘Brigade Kaminski’. La RONA reçu de nouveaux volontaires y compris d’anciens partisans et d’anciens prisonniers de guerre outre les conscrits de la région de Lokot. Il n’y eut pas que des Russes qui servirent dans la RONA, on y trouvait aussi des Bélarussiens, des Ukrainiens et des Polonais. La Brigade reçu des équipements lourds d’origine soviétique dont des pièces d’artillerie et des chars T-34/76.
Au cours de l’été 1943, la Brigade Kaminski commença à souffrir d’une augmentation alarmante du nombre des désertions au point qu’en octobre, elle avait perdu les 2/3 de ses effectifs. Kaminski fut aussi l’objet d’attentats contre sa propre vie et des officiers qui étaient sous ses ordres y participèrent. Un officier allemand appartenant à l’Etat major du Heeresgruppe Mitte, rapporte avoir vu quatre officiers pendus par les pieds à la porte du quartier général. A la suite de quoi, la liaison avec l’Etat major allemand fut fortement renforcée pour tenter de diminuer le risque de désertion en masse et aussi pour apporter une meilleure organisation à la Brigade.
Au début de l’été 1943, la Brigade Kaminski qui comptait alors 10 à 12.000 hommes, prit part en totalité ou en partie à plusieurs opérations contre les partisans en vue de la préparation de l’opération Zitadelle qui devait conduire à la bataille de Kursk.
Les succès soviétiques obligèrent la Brigade Kaminski à quitter son territoire d’origine à la fin de l’année 1943. Elle fut suivie par de très nombreux civils (au moins 50.000 d’après la plupart des sources). Elle se dirigea vers le Belarus actuel mais ce déplacement vers l’ouest fut la cause d’une nouvelle vague de désertions. On affirme qu’il étrangla personnellement devant le front des troupes le commandant du deuxième régiment de sa brigade ainsi que huit autres officiers : ils avaient tenté de rejoindre les partisans avec le régiment au complet. La Brigade fut stationnée dans la région de Vitebsk (Belarus) qui était complètement dans les mains des partisans.
Elle fut renommée Volksheer-Brigade Kaminski et peu après elle rejoignit la Waffen-SS en juillet 1944 sous le nom de Waffen-Sturm-Brigade RONA. Kaminski reçut le grade de Waffen-Brigadefürher der SS.
Les SS pensaient pouvoir augmenter ses effectifs jusqu’à ceux d’une division complète : la 29.Waffen-Grenadier-Division der SS (russische Nr 1)
La Brigade prit part à plusieurs opérations contre les partisans durant les six premiers mois de 1944 au sein du SS-Kampfgruppe von Gottberg, qui comprenait aussi la brigade Dirlewanger notoirement composée de bandits.
En juin, c’est une unité complètement démoralisée de 3 à 4.000 hommes qui fut à nouveau transférée en Tchécoslovaquie et placée sous le contrôle de la SS comme unité inapte au combat sur le front.
Le soulèvement de Varsovie débuta le 1er août 1944 avant l’arrivée de l’Armée Rouge. Le RFSS Heinrich Himmler désigna le SS-Gruppenführer Heinz Reinfarth pour commander le Kampfgruppe Reinefarth composé de SS et d’unités de la Polizei envoyés de Posen (Poznań) à Varsovie. Le Kampfgruppe comprenait aussi les Brigades Kaminski et Dirlewanger.
Une partie seulement de la Brigade fut envoyée à Varsovie. Un régiment de cette brigade participa à la bataille. Il comptait 1.600 hommes appuyé par quatre tanks T-34, un canon d’assaut de 76 et deux canons de 122. Le commandant du régiment était le SS-Sturmbannführer Yury Frolov (condamné à mort à Moscou fin 1946).
Ce détachement arriva à Varsovie le 4 août et fut chargé du secteur d’Ochota. Il devait prendre part à une attaque prévue pour 8.00 heures le jour suivant contre de faibles défenses polonaises tenues par seulement 300 hommes. A l’heure prévue, le régiment n’avait toutefois pas encore occupé les positions assignées et ne put être localisé avant 9.30 lorsqu’il fut aperçu loin du front, occupé à piller les habitations abandonnées. Lorsque l’unité fut enfin ralliée, elle ne put effectuer qu’une avance de 275 mètres avant la tombée de la nuit.
Au cours de l’attaque, des hommes de la Brigade Kaminski occupèrent l’Institut du Radium, un hôpital pour femmes atteintes du cancer, et violèrent les patientes et les infirmières, tuant celles qui se rebellaient. Avant la fin de combats, l’hôpital avait aussi été pillé. Ces atrocités coutèrent la vie à trente personnes.
Ceci n’est malheureusement qu’un exemple des meurtres, pillages et viols commis par les hommes de cette unité. Le journal de guerre de la 9e Armée note sèchement : « le 1er régiment Kaminski … s’est saoûlé en remontant la Reichstrasse vers l’usine Marchorka ». Kaminski pris aussi part au pillage, déclarant qu’il collectait de l’argent pour le « Fond de Libération de la Russie ».
Les hommes de cette brigade, très majoritairement des Russes, furent pris pour des Ukrainiens à qui l'AK attribuait une haine féroce contre les Polonais ce qui expliquait, selon les Résistants, la sauvagerie de leur comportement. Ainsi, les SS de la Brigade Kaminski fait prisonniers étaient marqués de la lettre U (Ukraine) peinte sur leur dos nus.
Le Général Rohr, commandant du secteur sud à Varsovie, demanda que le SS-Obergruppenführer Erich von dem Back-Zelewski, commandant en chef des forces allemandes à Varsovie, relève immédiatement la Brigade Kaminski. Bach-Zelewski lui-même voulait aussi se débarrasser de cette unité encombrante et militairement inefficace qui perturbait ses plans de lutte contre le soulèvement. Ainsi, dès que des renforts arrivèrent, elle fut retirée du combat.
Kaminski fut invité à se rendre à Łódź où devait se tenir une réunion des chefs de la SS.
Ce qui arriva ensuite n’est pas connu avec certitude. Certaines sources disent qu’il fut déféré devant une cour martiale qui le condamna à être fusillé sur le champ. D’autres disent qu’il fut abattu peu après son arrestation par la Gestapo. La version officielle est qu’il fut tué dans une embuscade avec des résistants polonais.
La mort de Kaminski mis fin au projet d’agrandir sa brigade à la taille d’une division.
La ou les raisons de son exécution ne sont pas claires, l’explication la plus probable est que Himmler sentait qu’il ne pouvait avoir deux chefs pour commander les forces russes combattants aux côtés des Allemands. Il dut donc choisir entre Kaminski et Vlassov et il opta pour ce dernier. On a dit également que des « soldats » de Kaminski violèrent et tuèrent deux Allemandes, membres du Kraft durch Freude, pendant le soulèvement de Varsovie. Si c’est vrai, ce ne pourrait être la cause de son exécution.
Le régiment avait eu 500 hommes tués ou blessés lors des combats (30% de l’effectif) et n’était plus qu’une bande armée. La Brigade fut envoyée à Strawiki puis dans la forêt de Kampinos pour aider au siège de Varsovie. Là, elle fut attaquée par les résistants polonais du Lieutenant-colonel Pilch et perdit encore une centaine de tués et 200 blessés.
En décembre, les restes de la RONA (2.000 hommes) rejoignirent les divisions en formation du Général Vlassov (ROA). Vlassov avait chargé le colonel Sergei Bunyachenko de former la première division. Lorsque celui vit les hommes de la RONA, il apostropha l’officier de liaison allemand : « Ainsi, voici les hommes que vous me donnez, des bandits, des voleurs et des malades ! Vous me donnez ce qui ne vous sert plus ! »
Les hommes formèrent finalement le 1er régiment de cette nouvelle division mais tous les officiers furent renvoyés. Ainsi pris fin l’histoire de la RONA.