Dès les premiers jours de l'occupation, des déportations visèrent des familles polonaises demeurant dans les territoires annexés qui furent transférées dans le Gouvernement Général, en particulier celles qui s'y étaient installées après la Première Guerre mondiale. Ne sont restées que les personnes que les Allemands imaginaient susceptibles d’être germanisées. Les enfants reconnus racialement valables étaient généralement signalés pour la germanisation par le biais de la
Volksliste. Si un des parents refusait de s’y inscrire, les enfants et l'autre parent consentant y étaient enregistrés pour permettre d’entreprendre la germanisation. Cependant, il y a eu de nombreux cas d’enlèvement d’enfants par leurs parents. Même avant l’introduction de la
Volksliste, Himmler, dans un décret du 12 Septembre 1940 traitant de la sélection des personnes dans les territoires annexés, avait donné des ordres pour retirer les enfants des parents qui avaient refusé la «re-germanisation». Plus tard (16 février 1942) ces ordres ont été étendus afin d'inclure les parents qui étaient considérés comme « particulièrement compromis politiquement ». Lorsque les parents avaient été inclus dans le quatrième groupe de la
Volksliste, ce dernier ordre d'Himmler incitait à retirer les enfants à leurs parents s’il s’avérait que ceux-ci devaient exercer une "influence défavorable" sur la germanisation de leurs enfants. Ceux-ci ont ensuite été placés dans des familles et des institutions allemandes. Cette ordonnance s’appliquait également aux personnes du troisième groupe. Ainsi, dans certains cas, même l'inscription sur la
Volksliste ne protégeait pas les parents contre l'enlèvement de leurs enfants.
La procédure était similaire dans le Gouvernement Général lorsque les parents, reconnus par les autorités comme étant d'origine allemande,
"ont refusé de rejoindre la communauté nationale allemande". Les enfants étaient alors enlevés de force et placés dans une famille allemande résidant dans le Gouvernement Général ou envoyés dans le Reich.
Dans le cas de mariages mixtes – un des parents étant, par exemple, Allemand(e) de Mazurie ou de Silésie - le parent d'origine polonaise était également obligé de s'inscrire sur la
Volksliste ; s'il refusait, l'autre parent était contraint de demander le divorce. En règle générale, lorsque les tribunaux prononçaient des divorces ou des annulations de mariage, la garde des enfants était invariablement attribuée à la partie allemande. Le principe appliqué voulait que le bien de l'enfant dépende d’une éducation allemande. Les décisions rendues par les juridictions polonaises d’avant septembre 1939 furent même annulé et la garde des enfants était transférée à la mère ou au père d'origine allemande, ou à sa famille. Si ce parent était décédé, l'enfant était rendu soit à une famille allemande, soit à un organisme chargé de la jeunesse.
Un enfant pouvait aussi être enlevé de force si ses parents avaient été arrêtés ou déportés dans un camp de concentration ou dans le Reich pour le travail forcé. Dans de tels cas les enfants leur étaient retirés même s’ils vivaient avec leurs parents. La même chose s'est produite avec des enfants dont les parents avaient été exécutés.
Ces enlèvements d'enfants ont atteint des proportions énormes avec les déportations en masse des Polonais de la région de Zamość lors de la «pacification» dans cette région mais aussi dans d'autres parties du Gouvernement Général. Ils se sont poursuivis en application des mesures d'évacuation proclamée lors de la retraite de l'armée allemande.
Pendant les déportations massives dans la région de Zamość, les familles ont été séparées et les enfants enlevés de force. Dans les camps de transit (
Kindererziehungslager) à Zamość, Lublin et Zwierzyniec, des «experts raciaux» du RSHA profitèrent de l’occasion pour effectuer des tests de sélection sur les enfants. Les enfants qui avaient passé ces tests avec succès (!) étaient séparés de leur famille et envoyés dans les territoires annexés au Reich afin d’y être germanisés. Il est difficile de dire combien parmi les 30.000 enfants déportés de la région de Zamość ont été enlevés pour être germanisés et combien ont été rassemblés avec les personnes âgées et les malades dans les
Rentendörfer.
On peut se faire une certaine idée en examinant le calendrier des départs par le rail ou par transports routiers des enfants de la région de Zamość tel qu’élaboré par la Direction générale du Conseil de Lublin. Mais cela ne couvre que la période du 7 juillet au 25 août 1943. Dans cet intervalle, il y eut 29 transports de 4.454 enfants polonais dont les âges allaient de deux à quatorze ans. Ils ont été envoyés à Świnoujście, Halle, Poznań, Strassholf (près de Vienne), Lehrte, Wroclaw, Bramsdorf, Stargard, Soest, Kelsterbach, Neumark, Wesel, Kartnen près de Graz, Parchim, Breitigheim, et dans le Brandebourg.
Les rapports rédigés par les officiers responsables du transport ont montré que ces enfants ont été remis à des familles allemandes ou placés dans des institutions du Reich. La même procédure a été appliquée avec les enfants dont les parents avaient été tués ou envoyés dans des camps de concentration pendant les campagnes de «pacification». De même, lorsque les zones situées derrière l'armée allemande en retraite ont été évacués, de nombreux enfants et adolescents ont été expédiés dans le Reich. La situation était alors tellement incertaine que les «autorités» n’eurent pas le temps d’effectuer les tests raciaux qui ont été reportés à l’arrivée des enfants en Allemagne. Cette action a été connue sous le nom de
Heuaktion.
En 1944, les Allemands ont également commencé à enlever des enfants dans les écoles du Gouvernement Général. Souvent, on prenait plusieurs dizaines d’enfant dans une seule école. Ceux-ci n’étaient généralement même pas autorisés à dire au revoir à leurs parents ou leurs familles. On les rassemblait avec ceux d’autres localités pour effectuer les tests raciaux, puis on les expédiait vers le Reich.
Une autre méthode, utilisée avec des enfants plus âgés, consistait à les séparer de leurs familles et à les envoyer dans le Reich pour le travail forcé. Ça concernait surtout des filles âgées de quatorze ans à vingt ans. Elles étaient généralement envoyées en Allemagne comme aides domestiques et soumises à un processus de germanisation. Les zones situées autour de Poznań et de Łódź ont été la source principale de ce « mode opératoire ». Les filles étaient le plus souvent raflées dans les rues ou « fournies » par les bureaux de travail et de protection sociale, ou par l'Office central de réinstallation.
De cette façon, les nazis ont réussi à combiner l'exploitation du travail esclave avec la germanisation.
Toutes les actions mentionnées ont été programmées depuis Berlin et ont été mises en œuvre selon des directives strictes. Cependant, un grand nombre d'enfants ont également été enlevés à la suite d'actions policières arbitraires, de raids, de rafles dans les rues, etc., qui ne faisaient pas partie des plans de germanisation. Néanmoins, ces enfants « supplémentaires » ont tous été envoyés dans le Reich et soumis à la germanisation, ou ont été germanisé à la suite des conditions dans lesquelles ils étaient forcés de vivre. C’est ce qui est arrivé à un certain nombre d'enfants déportés après l'Insurrection de Varsovie.
Toutes les actions décrites jusqu'ici ont été réalisées sur le territoire polonais. Mais dans le Reich lui-même des enfants polonais ont également été concernés par la germanisation. C’était principalement des enfants nés en Allemagne de femme polonaise qui avaient été déportées pour le travail forcé.
Au début, aucune des mesures spéciales n’avaient été prises à l'égard des femmes enceintes
"travailleurs de l'Est" et de leur progéniture. Il y avait même des cas où des femmes enceintes ont été renvoyés dans leur pays d'origine pour y accoucher. Toutefois, puisque ces grossesses privaient temporairement l’Allemagne de la force de travail de ces femmes et, de plus, augmentait
«la force biologique des nations qui n'appartenaient pas à l'Herrenvolk», des mesures commencèrent à être prises pour arrêter cette « fertilité malvenue ». Cet accroissement naturel devait être contrôlé soit par l’avortement, soit par l’enlèvement de leur progéniture.
Comme il y avait des lois interdisant l'avortement dans le Reich, le ministre de la Justice du Reich du rendre une ordonnance le 9 Mars 1943 renonçant aux sanctions contre l'avortement lorsque des travailleuses de l'Est «demandaient», volontairement ou non, une telle opération. Toutefois, avant l'avortement, on devait établir l’identité du père et vérifier si l'enfant serait
"de bonne race". Les ordres donnés par Himmler le 9 Juin, 1943 interdisaient l'avortement dans les cas où le père était d'origine allemande car l'enfant pouvait être racialement valable. Le 27 Juillet 1943, de nouveaux ordres ont étendu cette disposition aux pères de sang germanique mais pas nécessairement allemand, soulignant que le prix payé par le sang allemand pendant la guerre exigeait que les enfants «produits» par les travailleuses d'autres nationalités soient préservé pour la nation allemande.
Ces ordres précisaient la procédure à suivre dans ce type de cas. L'employeur avait l’obligation d'informer les grossesses de ses ouvrières à un organisme de la jeunesse ; le bureau devait alors établir l'identité du père et des experts de la santé et RuSHA procédaient à des tests raciaux sur les parents. Les enfants de parents ayant passé ces tests étaient placés dans les mains du NSV qui était chargé de les remettre à des familles allemandes ou à des foyers pour « enfants racialement valables » (
Kinderheime für Kinder gutrassige). En particulier, les mères considérées comme valables du point de vue racial étaient placées dans des institutions du
Lebensborn et interdites de ramener leur enfant dans leur propre pays. De plus, il était interdit d’expliquer à la mère les raisons de ces mesures. Les mères incapables de travailler et leur enfant racialement sans valeur devaient être
supprimés (
abgeschoben). Il n'est guère besoin de dire que les mères n'avaient pas à donner leur accord lorsque leurs enfants leur étaient retirés.
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