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Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 02:05

Pour une fois vous pourrez retourner sur Beskid avant peut être de venir donner vos impressions.

Ce n'est pas de moi ( a part deux lignes ) le travail a été fait rapidement donc il y a probablement des choses à rajouter, on ne peut pas non plus plaire à tout le monde Orage

Dommage que Beskid n'ai pas le poids d'il y a quelques années mais il est toujours possible de faire circuler le lien via les réseaux sociaux.

Bonne lecture, c'est un peu long, ça manque d'illustrations, soyez donc indulgent

[www.beskid.com]

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Mik (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 07:41

Merci Stéphane, cet article est clair et bien écrit, il permet à chacun de se faire une vue d'ensemble sur le sujet.

Mik

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: WronaR (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 08:54

Il manque juste, à mon goût, une petite analyse et l'impact de l'abstention dans les résultats.
Pourquoi tant d'abstentions? et à qui cela a été favorable?

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 14:29

WronaR a écrit:
-------------------------------------------------------
> Il manque juste, à mon goût, une petite analyse
> et l'impact de l'abstention dans les résultats.
> Pourquoi tant d'abstentions? et à qui cela a
> été favorable?


L'article ce n'est pas moi qui l'ai écrit mais je pense que je n'aurais peut être pas non plus parlé de l'abstention même si c'est vrai faudrait tordre le coup avec cette histoire de démocratie = vote obligatoire.

Sous le régime communiste, les gens avaient le droit de vote, comme en Russie, en Biélorussie ou à Cuba. Bien sûr, il n'y avait qu'un seul parti ou un seul candidat, voir 2 si le deuxième ne faisait pas de l'ombre au premier.

De là il est resté une grande méfiance de la part des Polonais vis à vis des élections et surtout ensuite des hommes politiques.Il faut dire que depuis 1989 ( De mémoire il y avait plus de 60% de votants ) les différents programmes n'ont jamais trouvé de solutions miracles, solutions qui de toute façon, n'existent pas. On ne se débarrasse pas de décennies d'économie planifiée avec juste un tour de passe passe.

Quoi que l'on fasse, le poids de l'histoire sera toujours présent en Pologne, dans tous les débats.
Il y a les invasions, les partages, le communisme, le nazisme ....

Un jour un Polonais m'a dit on ne s'est pas débarrassé de l'occupation russe pour tomber dans une occupation européenne sous le dictat de la France et de l'Allemagne.
Les Polonais sont comme tous les pays de l'Est des européens convaincus dans leur grande majorité mais ce sont avant toute chose des Polonais.

Le même ami m'avait dit concernant les politiques polonais, ce que nos politiques ne voudront pas faire afin de sauvegarder leurs intérêts,( traduire leurs magouilles ) l'Europe le fera à leur place.

Tout ça explique qu'il y a toujours des grosses abstentions lors des élections non seulement en Pologne mais également dans les autres pays voisins

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Adam (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 15:25

1) Le taux de participation aux legislatives a ete le plus eleve depuis 1989, donc en Pologne aucun expert politique n'avancera l'absentionnisme comme etant la raison de la defaite de PO. Rappelons en outre qu'avec le retour a la democratie, les Polonais ont gagne le droit de ne PAS voter, ce qui change un peu de la perspective francaise ou on parle toujours de droit de voter justement.

2) Notons aussi que pour la jeunesse polonaise entre 18-29 ans a majoritairement vote conservateurs (PiS/Kukiz'15/KORWiN) a 63%, seulement 16% pour PO.

3) Notons aussi, fait unique dans l’histoire démocratique de la Pologne, qu'un parti, en l’occurrence PiS, a semble-t-il eu le plus de voix dans toutes les catégories d’âges (entre 18 ans et 60+ ans), dans toutes les catégories de milieux urbains (de la campagne aux villes de plus de 500 000 habitants) et parmi toutes les couches de populations (des moins éduquées aux plus diplômés, des chômeurs aux chefs d’entreprises). Le clivage "Pologne A"/Pologne "B" et celui partageant le pays entre la Pologne du Nord et de l’Ouest « pro-PO » et la Pologne du Sud et de l’Est « pro-PiS » ne semblent plus pertinents, PiS ayant aussi terminé 1er dans la majorité des fiefs historiques de PO, raflant 14 des 16 régions. Le succès de Kukiz’15 explique également en partie cette évolution.

4) La gauche disparait completement de l'Assemblee Nationale polonaise.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Vendôme (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 18:48

Citation:
Stéphane
Bonne lecture, c'est un peu long, ça manque d'illustrations, soyez donc indulgents

Excellentissime analyse. A lire absolument : tout y est.

----------------
cлава Україні 🇺🇦🇺🇦

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Andrzej (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 19:04

cependant...
Les promesses électorales avec lequelles PiS a essayé de convaincre nos citoyens risquent de ne pas être concrétisées.
C'est a cause du budget déja preparé par le gouvernement sortant qui endette le pays énormément et prévoit le déficit de 55 milliards de zlotys.

Nous héritons le pouvoir en état pire qu'on ne le pensait. Nous serons obligés de présenter le bilan d'ouverture. Pendant les derniers mois le gouvernement de Kopacz a trop depensé. On a versé des milliards dans de mines de charbon non reformées qui sont sur le point de faillite, a dit un de deputés - Jarosław Gowin

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 19:56

Andrzej a écrit:
-------------------------------------------------------

> C'est a cause du budget déja preparé par le
> gouvernement sortant qui endette le pays
> énormément et prévoit le déficit de 55
> milliards de zlotys.


L'endettement de la Pologne n'est pas non plus dramatique si on regarde celui de la France ou de la Grèce. En plus la Pologne n'est pas dans la zone euro donc a une marge de manœuvre un peu plus grande.

Mais ce n'est pas non plus une raison pour laisser filer le budget. De toute façon il y a toujours un décalage entre des promesses électorales et la réalité

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 27 octobre, 2015 20:00

Adam a écrit:
-------------------------------------------------------

>
> 2) Notons aussi que pour la jeunesse polonaise
> entre 18-29 ans a majoritairement vote
> conservateurs


Tu aurais du lire l'article un peu mieux, conservateur c'est quoi ? Un truc chimique que l'on met avec un colorant dans une saucisse ? "Pas cool"

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Adam (IP Loggée)
Date: 28 octobre, 2015 00:27

Quelques resultats au sein des pays ayant une forte communaute polonaise:
France: PiS (39.0%), PO (23.7%), Nowoczesna (10.1%), Kukiz’15 (9.2%), KORWiN (6.1%)
Belgique : PO (27.6%) PiS (27.0%), Nowoczesna (11.8%), Kukiz’15 (11.5%), KORWiN (8.0%)
Etats-Unis : PiS (72.7%), PO (10.5%), Kukiz’15 (5.3%)
Canada : PiS (69.9%), PO (12.4%), Kukiz’15 (4.9%), KORWiN (4.3%), Nowoczesna (4.1%)
Allemagne: PiS (31.2%), PO (27.8%), Nowoczesna (9.87%), Kukiz’15 (9.8%), KORWiN (8.65%)
Grande-Bretagne : Kukiz’15 (24.0%), PiS (22.9%), KORWiN (20.0%), PO (14.9%), Nowoczesna (7.9%)
Irlande : Kukiz’15 (26.7%), PiS (21.9%), KORWiN (17.0%), PO (14.8%), Nowoczesna (8.7%)
Norvege: PiS (25.4%), Kukiz’15 (22.9%), KORWiN (17.9%), PO (15.0%), Nowoczesna (7.9%)
Russie : PiS (30.1%), PO (26.7%), Nowoczesna (14.5%), Gauche Unie (8.7%), Partia Razem (7.2%)
Ukraine: PiS (46.7%), PO (16.2%), Nowoczesna (10.8%), Gauche Unie (7.4%), KORWiN (6.4%)
Australie : PiS (40.5%), PO (19.4%), KORWiN (14.1%), Nowoczesna (10.6%), Kukiz’15 (7.2%)

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 28 octobre, 2015 03:07

Adam a écrit:
-------------------------------------------------------
> Quelques resultats au sein des pays ayant une
> forte communaute polonaise:
> France: PiS (39.0%), PO (23.7%), Nowoczesna
> (10.1%), Kukiz’15 (9.2%), KORWiN (6.1%)
> Belgique : PO (27.6%) PiS (27.0%), Nowoczesna
> (11.8%), Kukiz’15 (11.5%), KORWiN (8.0%)
> Etats-Unis : PiS (72.7%), PO (10.5%), Kukiz’15
> (5.3%)
> Canada : PiS (69.9%), PO (12.4%), Kukiz’15
> (4.9%), KORWiN (4.3%), Nowoczesna (4.1%)
> Allemagne: PiS (31.2%), PO (27.8%), Nowoczesna
> (9.87%), Kukiz’15 (9.8%), KORWiN (8.65%)
> Grande-Bretagne : Kukiz’15 (24.0%), PiS (22.9%),
> KORWiN (20.0%), PO (14.9%), Nowoczesna (7.9%)
> Irlande : Kukiz’15 (26.7%), PiS (21.9%), KORWiN
> (17.0%), PO (14.8%), Nowoczesna (8.7%)
> Norvege: PiS (25.4%), Kukiz’15 (22.9%), KORWiN
> (17.9%), PO (15.0%), Nowoczesna (7.9%)
> Russie : PiS (30.1%), PO (26.7%), Nowoczesna
> (14.5%), Gauche Unie (8.7%), Partia Razem (7.2%)
> Ukraine: PiS (46.7%), PO (16.2%), Nowoczesna
> (10.8%), Gauche Unie (7.4%), KORWiN (6.4%)
> Australie : PiS (40.5%), PO (19.4%), KORWiN
> (14.1%), Nowoczesna (10.6%), Kukiz’15 (7.2%)


Intéressant de voir les votes en fonctions des pays et de leurs identités.

Kukiz’15 en tête en Angleterre et en Irlande ? Deux terres d'immigration polonaise ça doit bien avoir une signification.

Le PiS à 46% en Ukraine là aussi ça a une réelle signification.

Largement en tête aussi aux USA et au Canada. Plus on est loin plus l'on veut se rapprocher des traditions ?

Quand à la France on dirait que ceux qui votent ne savent pas lire le français ou ne lisent jamais les journaux car le PiS arrive quand même en tête.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Adam (IP Loggée)
Date: 28 octobre, 2015 13:24

- Aux USA/Canada, c’est surtout une “vieille emigration” datant du debut du XXeme siecle et de la periode communiste. Ces electorats sont historiquement tres lies au sud de la Pologne, en particulier des montagnes polonaises (Zakopane, Nowy Targ, Limanowa, Niedzica, Szczawnica, de tres belles regions que je te recommande a tous winking smiley ). Ces regions votant toujours a 60-70% PiS (la famille du president Duda est d'ailleurs originaire de la-bas), leurs familles en Amerique du Nord (notamment a Chicago, 2eme ville polonaise au monde avec 1.5 millions de Polonais faut-il le rappeler) suivent souvent les consignes de vote de leurs proches. Ces Polonais a priori ne reviendront pas en Pologne, ayant fait leur vie outre-Atlantique

- En Grande-Bretagne/Irlande/Scandinavie, c’est surtout une « nouvelle emigration » relativement jeune en age datant des annees 2000. Ici, PiS a fait certes de bons scores mais c'est surtout ceux de Kukiz et KORWiN qu'il faut noter, entre 40% et 50% des voix a eux deux. Les discours de ces 2 partis seduisent, car ils pointent du doigt le fait que si ces 2 millions de personnes ont du partir, ce n’etait pas de leur plein gre, mais parce que le systeme en place n’a pas voulu d’eux ou ne leur a pas donne les moyens de rester, il faut desormais tout faire selon ces partis pour permettre a la majorite d’entre eux de revenir. Kukiz ayant été un grand rockeur dans les annees 2000 a l’epoque ou ces memes personnes ont quitte la Pologne, beaucoup d’entre eux le considerent comme quelqu’un qui a fait « don de sa personne » et de sa renommee pour le bien de la Pologne. Ses recents concerts en Grande-Bretagne ont renforce sa popularite. KORWiN est egalement relativement populaire, outre-Manche, comme le montre cette recente video amateur prise durant un vol Ryanair pour l'Irlande : [www.youtube.com]

- Pour la France: l'honnetete intellectuelle faisant abstraction de tout prejuge/idee toute faite doit primer, toute sympathie partisane(quelqu'elle soit) et l'emotionnel doivent etre mis de cote lorsqu'on presente serieusement un programme ou un resultat electoral pour permettre aux gens de mieux comprendre la situation politique reelle d'un pays. A mon sens, c'est ca, le vrai journalisme. Un journalisme desinteresse et de qualite qui se perd, c'est deja vrai dans la couverture des affaires strictement françaises ou francophones par la presse francaise, c'est encore plus vrai lorsqu'il faut couvrir des evenements en Europe Centrale & Orientale. Mais les Polonais de France qui suivent vraiment l'actualite de leur pays ne sont pas dupes.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: WronaR (IP Loggée)
Date: 28 octobre, 2015 15:35

Merci pour tous ces compléments qui permettent de mieux comprendre les résultats.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Stéphane (IP Loggée)
Date: 28 octobre, 2015 15:59

WronaR a écrit:
-------------------------------------------------------
> Merci pour tous ces compléments qui permettent de
> mieux comprendre les résultats.


De toute façon en Pologne la plupart des choses sont liées à l'histoire du pays. Pour comprendre l'actualité, il faut aussi connaitre l'histoire. En France l'histoire de l'Est de l'Europe est méconnue, quelques clichés faussés en plus par des films, des pseudos historiens et des experts incompétents.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Adam (IP Loggée)
Date: 28 octobre, 2015 21:59

L'un des rares articles dignes de ce nom dans la presse francaise sur la situation en Pologne:

LA POLOGNE OU LA CRISE DU « LIBERALISME DE PERIPHERIE »
(SOURCE : ALTERNATIVES ECONOMIQUES, WOJTEK KALINOWSKI 26/10/2015)
[www.alterecoplus.fr]

"La nette victoire des conservateurs aux législatives polonaises n’est pas uniquement une sanction du bilan économique des sept ans de gouvernements libéraux. Et on aurait tort d’y voir le résultat d’un simple affrontement des « gagnants » et des « perdants » des transformations économiques et sociales. Pour preuve, le Parti Droit et Justice a gagné dans les groupes jusqu’ici les plus fidèles à la Plateforme civique de la première ministre sortante Ewa Kopacz, comme les diplômés du supérieur et les habitants des grandes villes. Faisons donc attention aux lectures simplistes et tant fois répétées d’un vote protestataire qualifié tantôt de social, tantôt de nationaliste, et surtout catholique.
Le pouvoir en place avait tout tenté pour découper la société selon des lignes de clivage qui lui convenaient le mieux – la « Pologne radicale » face à la « Pologne rationnelle » – et pour semer la peur de « ces gens qui vont incendier le pays ».
De nombreux médias polonais et étrangers ont repris le refrain, mais les électeurs polonais se sont montrés assez intelligents pour voir la manoeuvre : ce dimanche, ils n’ont pas tant voté pour le parti Droit et Justice que contre un parti épuisé de l’intérieur, par les affaires, sans vision d’avenir et coupé de la société par des médias bien trop serviles. C’est fondamentalement une façon d’exercer le pouvoir qui se voit sanctionnée, pour la deuxième fois dans l’année – les présidentielles de juin dernier, remportées par le conservateur Andrzej Duda sur les mêmes thèmes, avaient envoyé le premier signal d’avertissement.

Démocratie dégradée

En ce sens, l’alternance qui s’annonce est salutaire pour la démocratie polonaise elle-même, dont la qualité s’est nettement dégradée pendant la période précédente : c’est visible à travers l’interminable série d’affaires de corruption classées sans suite, à travers les dysfonctionnements de l’appareil de justice, dans l’extrême politisation des médias publics et de l’administration, etc. L’ancien président polonais Aleksander Kwasniewski, qui n'est pourtant pas un ami de Droit et Justice, l’a dit lui-même dans un entretien privé fuité dans la presse : les trois institutions les plus corrompues et les plus démoralisées en Pologne sont le procureur, les services spéciaux et les rédactions de télévision. L’ex-ministre de l’Intérieur Bartlomiej Sienkiewicz l’avait vu également, en déclarant il y a quelques temps que l’Etat polonais « existe en théorie uniquement », qu’en réalité c’est un « tas de pierres ». Les démocraties postcommunistes sont toutes fragiles, mais pas toujours de la façon dont on le pense : c’est surtout le pouvoir des oligarchies formées après la chute du mur qui les menacent, car ce pouvoir ronge de l’intérieur les institutions de l’Etat de droit.

Le mauvais rôle des médias

Le fait que les médias étrangers ne l’aient pas vu pendant toutes ces années signe un aveu d’échec pour l’espace public européen, où la circulation des idées est trop étroitement contrôlée par quelques médias dominants qui donnent le ton à tous les autres ; dans le cas de la Pologne, ces médias étaient devenus des parties prenantes des jeux politiques internes, confondant bien souvent la lutte politique et le journalisme d’information. Leur tâche fut d’autant plus facile qu’à l’extérieur, la diplomatie polonaise a joué la carte du « bon élève » dans le jeu européen, affichant notamment un soutien sans faille à la politique allemande.
La période qui s’ouvre sera sans doute plus difficile en la matière, les conservateurs (s’ils forment le nouveau gouvernement, ce qui est très probable au vu des résultats) voulant défendre fermement ce qu’ils considèrent comme l’intérêt national du pays face à Berlin et à Bruxelles. On risque de s’en apercevoir assez rapidement sur des sujets comme la crise des réfugiés ou la lutte contre le changement climatique.

Un modèle économique qui s’essouffle

Quant au bilan économique de la Plateforme civique, une ministre du gouvernement sortant avait déclaré quelques jours avant les élections que son gouvernement « méritait une médaille » en la matière. C’est parfaitement en décalage avec les sentiments de l’opinion publique, mais typique pour la vision autosatisfaite de la Pologne affichée par les élites libérales du pays. Elles n’ont rien fait pour répondre au problème fondamental de la Pologne, à savoir comment sortir haut la main de la situation de dépendance dans laquelle l’économie polonaise s’est retrouvée suite aux réformes des années 1990.
Depuis la « thérapie de choc » qu’avait subie le pays immédiatement après la chute du mur, la Pologne a connu une croissance rapide. Pour s’intégrer à l'espace économique européen, les gouvernements successifs ont misé avant tout sur la compétitivité-prix, les privatisations et la concurrence fiscale. L'afflux massif d’investissements étrangers, notamment allemands, ainsi que l’aide apportée par les fonds européens ont modernisé le tissu productif que le système communiste avait laissé en ruines et permis de créer des millions d'emplois. Sur les dix dernières années, les investissements directs étrangers ont représenté en moyenne 15% de l’investissement en Pologne (contre moins de 5% en France).
Le pays est du coup devenu une source importante de revenus pour les sociétés occidentales : sur les 115 milliards d’euros de bénéfices réalisés en Pologne par ces sociétés étrangères entre 2003 et 2013, 75,5 milliards ont été rapatriés par les sociétés mères plutôt que réinvestis sur place, selon les données annuelles de la banque centrale polonaise. Et contrairement, à ce qu’on observe dans les économies développées, ces flux ne sont compensés qu’à la marge par les flux inverses, générés par les actifs détenus par les acteurs polonais à l’extérieur du pays : aucun acteur économique polonais significatif n’a réussi en effet à émerger au cours des dernières décennies.

Une spécialisation "bas de gamme"

Dans la division du travail européenne, le pays reste confiné dans le « bas de gamme », emplois qualifiés et centres de R&D demeurant localisés pour l’essentiel dans les pays de la vieille Europe.
Comme d’autres pays d’Europe de l’Est, la Pologne est devenue une simple variable des politiques de délocalisation massives menées par les industriels de l’Europe occidentale, à commencer par les constructeurs automobiles allemands. Entrainant une relation durable de dépendance qui entrave en réalité le développement du pays.
Cette prise de contrôle par les multinationales étrangères n’a pas concerné d’ailleurs que l’industrie : elle a touché aussi le domaine des services et en particulier la grande distribution et la banque. Dans ce dernier secteur, le plus rentable de l’économie polonaise, les investisseurs étrangers détiennent 63% des actifs et contrôlent 16 des 23 groupes bancaires présents dans le pays. Cette prise de contrôle massive a incontestablement facilité la modernisation du système financier, mais elle concourt à drainer les ressources des polonais vers l’extérieur limitant ainsi le potentiel de l’économie. Lors de la crise des années 2009-2010 en particulier, les sociétés-mères occidentales, pressées d’améliorer rapidement leurs ratios de capitaux propres/crédits, ont brusquement coupé les crédits au public polonais sans se soucier de l’impact de ces mesures sur l’économie locale.

Cette situation de dépendance économique a aussi de lourdes conséquences sociales. Le niveau des salaires grimpe à Varsovie, mais il reste toujours très loin derrière ceux de l’Europe occidentale : bien qu’il ait doublé depuis l’an 2000, le coût horaire du travail était encore de 8,4 euros de l’heure en moyenne en Pologne en 2014 selon les chiffres d’Eurostat, un peu du quart de ce qu’il est en Allemagne (31,4 euros). Les salariés subissent en outre les effets d’un rapport de force défavorable et du chantage aux délocalisations qu’exercent en permanence les multinationales étrangères : entre 2000 et 2014 le PIB polonais a augmenté de 64% mais le salaire mensuel moyen n’a gagné que 37%. Pendant la même période, la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé de 44% à 41%.
D’autant que la politique de l’emploi reste toujours focalisée sur la flexibilité. Suite à la crise de 2009, le recours aux formes d’embauche les plus précaires a doublé : ces contrats dits « poubelles » n’ouvrent droit ni aux congés payés ni aux assurances sociales (retraites, chômage…). Ils ne permettent pas d’adhérer à un syndicat et ne sont soumis à aucun salaire minimum. Ils concernent actuellement environ 1,4 millions des salariés, surtout parmi les jeunes : 25% des moins de trente ans sont embauchés avec ce type de contrats.

L'oligarchie et les élites

En somme, la Pologne aurait besoin de sortir progressivement de ce rôle de sous-traitante bas de gamme pour créer des emplois de qualité. Or les oligarchies formées et les élites libérales n’y ont pas vraiment intérêt : la transition a fait émerger en effet une nouvelle classe supérieure, composée des dirigeants et cadres supérieurs des sociétés étrangères installées en Pologne et des fleurons nationaux des secteurs de l’énergie et des matières premières. Ses membres ont déjà un niveau de vie assez comparable à celui de leurs homologues occidentaux, mais c’est au prix d’écarts de revenu nettement plus grands qu’en Europe de l’ouest. Augmenter les bas salaires et renforcer la protection de l’emploi risquerait de menacer les exportations polonaises bon marché et donc la base matérielle de leur existence privilégiée.
La montée en gamme de l’économie polonaise supposerait en outre des institutions de qualité dont le pays ne dispose qu’à moitié, en particulier une administration impartiale et efficace et un système judiciaire fiable... Or 15% des Polonais affirment être confrontés régulièrement à la corruption dans leur vie quotidienne, à comparer à 4% en moyenne dans l'UE, selon le rapport annuel sur la corruption de la Commission européenne. Renforcer les institutions de l’Etat et le respect pour les partenaires sociaux est une condition préalable pour une nouvelle politique économique.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Vendôme (IP Loggée)
Date: 29 octobre, 2015 09:28

Merci Adam. C'est vraiment un article bien fait ; clair, bien structuré et informatif, d'autant plus que condenser et résumer l'état des lieux n'est pas aisé.


Et à propos de ton post précédent :
Citation:
Adam
Ces électorats sont historiquement très liés au sud de la Pologne, en particulier des montagnes polonaises (Zakopane, Nowy Targ, Limanowa, Niedzica, Szczawnica, de très belles régions que je te recommande a tous)
.
Excellente recommandation ! Pour ma part je rajouterais Nowy Sacz et Krynica Zdroj. Je pousserais même un peu jusqu'à Rzeszow et Uszczyki Dolne (Bieszczady), bien que ce soit en dehors de la région — pour faire plaisir à niu-nia winking smiley

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cлава Україні 🇺🇦🇺🇦

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: romancière (IP Loggée)
Date: 29 octobre, 2015 10:31

En lisant le paragraphe "l'oligarchie et les élites", je croyais que l'article concernait la France..... Ce qui explique peut être le sentiment de défiance généralisé à l'égard de la classe politique et des media que l'on trouve, pas seulement en Pologne!

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: romancière (IP Loggée)
Date: 29 octobre, 2015 14:29

Mille excuses, j'ai écrit trop vite.
Il faut lire" le sentiment de défiance généralisé à l'égard de la classe politique et des media que l'on trouve partout en Europe, pas seulement en Pologne.

Re: Analyse de l'élection en Pologne
Posté par: Vendôme (IP Loggée)
Date: 29 octobre, 2015 19:42

... effectivement, ça glisse mieux ainsi smiling smiley

Juste un aparté : en Pologne c'est bien plus désastreux qu'en France ; c'est non seulement l'oligarchie et les "élites", mais aussi La TOTALITÉ, à tous les échelons de l'Administration qui n'a pas beaucoup évolué depuis le temps de la PRL ; par certains aspects c'est même encore pire à l'échelon local et intermédiaire.

J'espère que le gouvernement de Madame Szydlo ne commettra pas l'erreur funeste de Mazowiecki ("groba kreska"), car il y aurait urgence à virer la majorité des juges et de procureurs actuels. Et j'espère aussi que les paroles de Mr. Kaczynski (nie bedzie zemstwa) ne sont qu'un faux-nez afin de tomber en douceur sur le paletot de tous les malfaisants qui en amené la Pologne dans son état actuel.

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cлава Україні 🇺🇦🇺🇦



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