Le mythe du sauveur dans le groupe
Le sauveur étant un archétype, on en retrouve l’influence aussi bien chez les individus que dans les groupes. Au sein d’une communauté, le mythe du sauveur naît de la peur dans un climat d’incertitude et de l’espoir en un processus un peu magique de salut. Dans ces moments de désarroi collectif, le besoin d’être sauvé se projette sur un personnage qui, croit-on, détient la faculté de résoudre les problèmes, que ce soit la défense contre un agresseur (De Gaulle en 40, Jeanne d’Arc), ou le rétablissement de l’ordre perdu (Napoléon, Pétain en 40, De Gaulle en 58). On attribue au sauveur des facultés exceptionnelles de réflexion, de décision, de remise en cause, d’action, de stratégie… Le peuple s’en remet aveuglément a` ses décisions. La croyance fondamentale est que lui seul pourra soulager la terreur du peuple devant l’imminence du chaos en en éliminant la cause. A celui qui est désigné (ou qui se désigne lui-même) comme sauveur, le groupe attribue une puissance quasi magique et instantanée. S’il reçoit gloire et pouvoir absolu, il est néanmoins prisonnier d’obligations et de devoirs dont il devra rendre compte. Le rôle du sauveur dans la collectivité – outre de la sauver d’un danger extérieur ou/et intérieur – est de lui redonner espoir, force et vigueur. Quand cet objectif est atteint, alors son rôle est terminé. S’il ne peut quitter cette position de sauveur (à cause des circonstances, de la demande d’autrui qui ne veut/peut se passer de lui, ou de l’identification à l’archétype) il sera sacrifié soit par expulsion (De Gaulle en 69, Napoléon) ou par la mort (Jeanne d’Arc).
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La conspiration, le sauveur, l’âge d’or et l’unité : tels sont les quatre grands mythes qui structurent notre imaginaire politique depuis deux siècles.=
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Le Sauveur est un mythe polysémique, depuis la figure du notable qui va sauver le franc à la façon d’Antoine Pinay jusqu’au héros claudélien Tête d’or, « l’aventurier fulgurant qui mourra supplicié au crépuscule d’une déroute ». Girardet revendique quatre modèles : Cincinnatus, qui pourrait s’appeler Doumergue en 1934, Pétain en 1940, voire de Gaulle en 1958 ; Alexandre, suivi entre autres par Bonaparte, les hardis capitaines, les conquérants ; le modèle Solon, le législateur, le de Gaulle fondateur d’une République nouvelle ; enfin Moïse, l’archétype du prophète — de Gaulle encore identifiant son destin à celui de la France. L’appel au Sauveur a pour contexte les crises d’identité ou les crises de légitimité. « Gardien de la normalité dans la succession des temps, dans l’écoulement des générations, telle apparaît […] la fonction essentielle attribuée au héros salvateur. »
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