Cet âne, dans son pré, vit un chardon tellement appétissant dans le champ voisin qu’il se glissa sous la clôture pour l’aller déguster. Une fois arrivé de l’autre côté, ce n’était pas un, mais dix, vingt, cent chardons qui se dressaient autour de lui. Le petit âne se mit à gambader de joie, à ruer, à courir. Il en oubliait de manger. Lorsqu’il eut bien gambadé, rué et couru, il s’arrêta et se dit :
« Voyons, lequel vais-je goûter pour commencer ? Celui-ci n’est pas assez fleuri. Celui-là ? Il l’est trop. Ce troisième est rabougri. Ce quatrième est tout à fait à point, je vais le garder pour la fin. » Autour du cinquième, un liseron amer s’était enroulé. Sur un sixième il y avait une limace rouge, pouah !
Ali Boron arriva à la lisière du champ, sans avoir rien mangé. De l’autre côté, poussait un bois.
« Derrière ce bois, il doit y avoir un champ et, dans ce champ, d’autres chardons. Je vais y aller voir. J’ai toute la journée pour déjeuner ! »
Il traversa le bois, déboucha sur un petit chemin, arriva en vue d’une ferme et s’engagea dans un champ de betteraves. Il aurait pu en croquer une ou deux, mais non, il voulait des chardons. Il y en avait sûrement derrière ce champ de betteraves. C’est un épouvantail qu’il rencontra. Brr ! Ali Boron fit demi-tour et partit au galop le long d’un champ de seigle. Plus loin, une bergère gardait ses moutons en compagnie d’un chien. Il eut peur du chien et changea de direction encore une fois. Enfin, il se retrouva devant un pré. Ah ! quel joli clos, mes amis...
Le petit âne gris s’arrêta, absolument ravi. Il avait soif, et dans ce clos, poussait une herbe tendre. Il avait chaud, et sous les pommiers s’étendait une ombre fraîche. Et quel parfum se dégageait de ce clos enchanteur : pomme, trèfle, serpolet... Ali Boron se glissa à travers la clôture de fil de fer barbelé, et de roula avec joie dans la belle herbe fraîche. Arrivé au bout du pré, que vit-il en se relevant ? Vous l’avez deviné. De l’autre côté de la clôture, il y avait le beau chardon dont il avait eu si envie ! Il était revenu dans son clos.
D'après May d’Alençon

Mik