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Historiographie récente polonaise : les relations polono-ukrainiennes
Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 26 février, 2007 15:20


Historiographie récente polonaise sur les relations polono-ukrainiennes pendant la seconde guerre mondiale et ses conséquences.

par Rafal Wnuk, Lublin
Historien, membre de l’Institut de la Mémoire Nationale (Instytut Pamieci Narodoj, IPN)


Les relations polono-ukrainiennes font partie des sujets les plus controversés et les plus entachés de mythes dans l’histoire de la Pologne d’après la seconde guerre mondiale. Pendant la période communiste (1944-1989), les informations données aux Polonais étaient façonnées par les livres de Jan Gerhard, Edward Prus ou Ewa et Czezlaw Petelski. Dans ceux-ci, ”des bandits de l’OUN-UPA” (Orhanizatsiya Ukrayins’kykh Natsionalistiv – Organisation des Nationalistes Ukrainiens ; Ukrayins’ka Povstans’ka Armiya – Armée Insurrectionnelle Ukrainienne) tuaient des Polonais innocents. Les Ukrainiens sont toujours dépeints comme sournois et extrêmement cruels.

Ce qui importe ici c’est que les évènements décrits dans ces livres ont eu lieu sur le territoire de la Pologne d’après guerre, mais jamais en Volhynie ni en Galicie orientale, qui faisaient alors partie de l’Ukraine soviétique. A cette époque, les sujets traitant des « actions anti-polonaises de l’UPA » en Volhynie et en Galicie orientale étaient interdits par la censure. Avec pour résultat, dans la mémoire populaire polonaise, que les meurtres en masse ont été transférés de la Volhynie vers Bieszczady et la Lubelszczyzna orientale. Ainsi, les communistes polonais purent présenter « l’Akcja Wisla » comme la seule manière efficace de liquider les réseaux de l’UPA. C’est seulement après 1989 qu’il a été possible d’étudier les relations polono-ukrainiennes sans aucune restriction.

Dès la chute du communisme, de nombreux livres sur les relations Pologne-Ukraine ont parus sur le marché. On tint également des conférences, des éléments furent ensuite publiés. L’historiographie polonaise était largement influencée par la littérature « d’avant ». A la même époque, il y eut quelques travaux publiés qui montraient une approche différente.

Il y avait déjà eu plusieurs articles traitant de l’histoire des relations polono-ukrainiennes dans les années 1939-1948. Les plus intéressant que j’ai trouvé sont, selon moi, ceux de Grzegorz Motyka et Andrezj L. Sowa.
Par historiographie polonaise, j’entends tous les travaux qui furent originellement publiés en langue polonaise et qui s’appuient rigoureusement sur des critères scientifiques. La seule typologie de l’historiographie polonaise qui existe est celle créée par Grzegorz Motyka. Il distingue quatre tendances : révisionniste, traditionnelle, para-scientifique et celle des Polonais de nationalité ukrainienne.

La première tendance, révisionniste, c-à-d celle qui revisite l'histoire officielle, caractérise les historiens qui remettent en question les mensonges de l’historiographie produite par la République Populaire de Pologne (RPP). Ils révisent également les côtés négatifs et les stéréotypes de la propagande concernant les Ukrainiens. Cette tendance s’aligne sur la manière de voir des éditeurs de Paris « KULTURA ». Son apparition en Pologne fut marquée par la publication d’un livre de Bogdan Skaradzinski en même temps qu’un article écrit par Tadeusz Andrzej Olszanski. Plus tard, cette même approche peut se voir dans les travaux de Aldona Chojnowska, Grzegorz Hryciuk, Andrzej L. Sowa, Wlodzimierz Medrzecki, Miroslaw Sycz, Grzegorz Motyka et Rafal Wnuk. Il n’y a pas de doute que le livre fondamental de Ryszard Torzecki tombe également dans cette catégorie. Son ouvrage est la première présentation systématique des relations polono-ukrainiennes pendant la seconde guerre mondiale. Ses conclusions sont une source de référence pour tout chercheur dans ce domaine.

La seconde, traditionnelle, se concentre sur les crimes de l’OUN-UPA en Volhynie et Galicie orientale ainsi que sur l’histoire de la clandestinité polonaise dans ces territoires. Les auteurs suivant représentent cette tendance : Ewa et Wladyslaw Siemaszko, Wlodzimierz Filar, Wincenrty Romanowski, Jerzy Wegierski, Jozef Turowski, Czeslaw Partacz, et un groupe important d’historiens provenant de ces régions. Motyka inclut également les travaux de Grzegorz Mazur, mais, à mon avis, ses œuvres sont plutôt révisionnistes. Toutefois, ses dernières publications suivent la ligne traditionaliste.

La troisième, para-scientifique, consiste en travaux qui n’ont aucune valeur scientifique. Leurs auteurs jouent librement avec la vérité historique. Ils font appel principalement au côté émotionnel du lecteur. L’utilisation des sources et des découvertes des chercheurs ne contribue aucunement à la vérité historique. Au lieu de cela, ils les utilisent afin que leur propre « vérité » paraisse crédible. Il s’agit souvent uniquement de publications orientées politiquement, mais pas de travaux d’historien. Edward Prus, Aleksander Korman et Jacek E. Wilczur suivent cette orientation.

L’élément le moins convainquant de la classification de G. Motyka est la quatrième tendance, celle des Polonais
d’origine ukrainienne. Les trois premiers se distinguent par l’utilisation de critères scientifiques. La tendance représentée par les Polonais ukrainiens est cependant marquée par l’emploi de l’approche nationale. Le résultat est que des gens qui représentent des vues et une méthodologie extrêmement différentes ont été placés dans une même catégorie. Par exemple, Wiktor Poliszczuk voit l’OUN-UPA uniquement comme une organisation terroriste et génocidaire. Le livre de Mikolaj Siwicki est une tentative passionnelle de défendre la réputation de l’OUN-UPA. Les travaux de Eugeniusz Misilo, Roman Drozd et Igor Halagida, écrits dans le plus grand respect de la méthodologie historique, se situent entre ces deux extrêmes.

Selon moi, l’historiographie des relations polono-ukrainiennes peut être décrite en utilisant la notion de « perspective ». Le premier groupe se compose d’historiens qui croient que, pour comprendre un évènement quelconque, il faut qu’il soit examiné sous plusieurs angles et perspectives (multi-perspective). En suivant cette règle, il faut éviter la défense d’un seul point de vue. De tels historiens tentent de comprendre, mais pas nécessairement d’accepter, les arguments des deux côtés. Une telle attitude est adoptée par tous les chercheurs révisionnistes et par quelques Polonais ukrainiens comme Roman Drozd et Igor Halagida, de même que par le Polonais biélorusse Eugeniusz Mironowicz.

Le second groupe se compose de chercheurs qui choisissent de ne voir qu’une seule perspective (mono-perspective), souvent nationale et parfois étatique. Celui-ci inclut les défenseurs de la « raison d’Etat polonaise », ou des traditionalistes, et leur contrepartie « ukrainienne de l’autre bord », Eugeniusz Misilo.

Je ne crois pas que la tendance para-scientifique de G. Motyka ait sa place dans l’historiographie. Les travaux de leurs auteurs ne peuvent être vus ni comme scientifique, ni comme objectifs. Depuis qu’ils ont façonnés la conscience historique de quelques Polonais, je me réfère à eux comme autant de travaux « non-scientifiques ». Cette tendance dépeint un monde vu d’après une perspective supposée « véridique ». En plus des auteurs mentionnés ci-dessus, E. Prus, A. Korman et J. Wilczur, j’y inclus également des Polonais ukrainiens comme W. Poliszczuk et M. Siwicki. Les trois premiers représentent le point de vue anti-Ukrainien. Il est intéressant de constater que le « démocrate de gauche » W. Poliszczuk et les auteurs nationalistes polonais non-scientifiques utilisent le même jargon et arrivent aux mêmes conclusions. M. Siwicki, toutefois, rend les Polonais seuls responsables du conflit.

Parmi les « mono-perspectivistes », un groupe important est formé d’auteurs qui ont participé ou ont été témoin des évènements sur lesquels ils ont écrit. W. Siemaszko, W. Filar, W. Romanowski et J. Turowski furent soldats de l’AK (Armia Krajowa – Armée de l’Intérieur) en Volhynie. J. Wegierski fut membre de l’AK à Lwów. Ces historiens admettent que le but principal de leur œuvre est de rendre hommage à leurs compagnons. Parmi les « multi-perspectivistes », il n’y a pas de témoins directs. Ceci montre à quel point l’approche des chercheurs est déterminée par leur expérience personnelle. Il est nécessaire d’ajouter que de tels témoins se retrouvent chez des « non-historiens » comme J.E. Wilczur de Lwów et E. Prus de Volhynie.

L’adoption de l’une ou l’autre approche mono ou multi-perspective historique, ou une vision non-scientifique, permet de savoir de quelle façon le conflit polono-ukrainien des années 1939-1948 sera traité.
Examinons et analysons l’approche historique de quelques questions sensibles :

- La genèse, la durée et le nombre de victimes des massacres de l’OUN-UPA

- Les actions anti-polonaises de l’OUN-UPA et le nettoyage ethnique

- L’attitude envers les tentatives polonaises et ukrainiennes de trouver des accords

- L’attitude envers l’Akcja Wisla

D’après l’approche des multi-perpectivistes, les massacres de Volhynie et de Galicie orientale furent la conséquence d’une suite de nombreux évènements. A moyen terme, on retrouve la guerre polono-ukrainienne de 1918-1919, l’inévitable conflit touchant des intérêts territoriaux, l’identification de la 2e République polonaise par une partie de la société ukrainienne comme l’une des puissances occupantes de l’Ukraine, le radicalisme de certains groupes ukrainiens et leur choix du terrorisme comme moyen de lutte politique. En plus de ces raisons objectives, il faut ajouter la surpopulation et le retard culturel de ces territoires.

A court terme, il faut tenir compte de la politique des occupants soviétiques et allemands. Les déportations par les Soviets dans les années 1940-41 on montré qu’il était possible de « résoudre » le problème simplement en déplaçant des groupes sociaux entiers. A cette même époque, les élites polonaises et ukrainiennes étaient éliminées afin, officiellement, d’augmenter les chances de dialogue constructif entre les parties. L’Holocauste des Juifs provoqua une « anesthésie morale ». Certains groupes de l’OUN prirent part à des pogroms organisés par les Allemands. L’Holocauste montra qu’il était possible d’exterminer une nation entière. Comme l’écrit A. T. Olszanski, « jusqu’en 1943, les gens de Volhynie furent témoins des crimes du NKVD, de l’extermination des Juifs, de la mise à mort par la faim de milliers de prisonniers de guerre soviétiques, des rafles pour le travail esclave au cours desquelles des villages entiers furent brûlés, du barbarisme sans mesure des surhommes allemands qui tuaient des gens publiquement sans la moindre raison. »

Les multi-perspectivistes déclarent unanimement que l’action anti-polonaise de l’OUN-UPA faisait partie d’un plan. Il y a, toutefois, quelques différences au sujet de l’interprétation des faits et de leur répercussion au niveau des individus. G. Mazur, T.A. Olszanski et R. Torzecki montrent les actions provocatrices des Soviets et des Allemands. A. L. Sowa et G. Motyka affirment que, au commencement, les actions en Volhynie avaient pour seul but l’entraînement de troupes à la guérilla pour laquelle l’OUN n’était pas préparée du tout. Plus simplement, des formations de plusieurs milliers de soldats de l’UPA composées principalement de déserteurs des bataillons de police auxiliaire n’avaient pas été congédiées car on ne savait où les renvoyer. Les Allemands étaient un ennemi trop fort et, de plus, étaient en train de perdre la guerre. Des actions contre eux n’étaient pas militairement justifiées. Mal préparés pour combattre, les Polonais étaient des cibles plus vulnérables. Les chasser des territoires considérés par l’OUN comme ethniquement ukrainiens faisait partie du programme politique des Ukrainiens nationalistes.

Les historiens de cette tendance datent les actions anti-polonaises au cours des années 1943-45, en soulignant qu’elles eurent lieu seulement en Volhynie et en Galicie orientale. Les évènements de la Lubelszczyzna orientale sont considérés comme une guerre de guérilla au cours de laquelle les deux camps, de manière identique, ont recouru à l’assassinat de civils. Ces auteurs soulignent que dans les années 1945-47 il n’y eut rien qui ressembla à un conflit polono-ukrainien dans la Pologne des frontières actuelles. A cette époque, trois acteurs étaient alors en présences : l’OUN-UPA, la clandestinité indépendantiste polonaise et les communistes. Ils croient que restreindre le conflit à seulement deux protagonistes est une erreur. Ils sont aussi d’accord sur l’estimation du nombre des victimes. Dans les années 1943-47, environ 80.000 Polonais furent tués – 40.000 d’entre eux en Volhynie – et environ 20.000 Ukrainiens.

Il existe une discussion chez les multi-perspectivistes au sujet des buts des actions anti-polonaises de l’OUN-UPA. Quelques uns affirment qu’il y eut tentative d’exterminer tous les Polonais de ces régions. En Galicie, pourtant, des meurtres ne furent commis intentionnellement que dans le but d’intimider et de forcer les Polonais à quitter la région. Cette interprétation est soutenue par A. L. Sowa, par exemple. D’autres comme G. Motyka et R. Torzecki affirment que le but de l’OUN-UPA était l’expulsion des Polonais. Les meurtres en masse ont été commis lorsqu’il s’agissait de liquider ceux qui résistaient et pour menacer les autres. En Volhynie toutefois, les chefs locaux de l’OUN-UPA ont mal interprétés les ordres provenant du Quartier Général. G. Hryciuk partage les vues de G. Motyka et R. Torzecki, mais remarque « qu’il s’agissait d’un nettoyage ethnique réalisé aussi avec des méthodes génocidaires ». Il est important de mentionner qu’il n’y a pas d’historien Polonais de nationalité ukrainienne qui ait manqué de faire des commentaires sur le problème des massacres de Volhynie et Galicie.

Les tentatives d’entente entre les clandestinités polonaises et ukrainiennes et entre l’OUN-UPA et l’AK-WiN (AK-Wolnosc i Niezawislosc – « Liberté et Indépendance ») qui eurent lieu dans les années 1945-46 ont été décrites par des historiens. Ceux-ci insistent sur le fait que celles-ci avaient surtout un but tactique et étaient marquées par la méfiance.

Les multi-perspectivistes regardent « l’Akcja Wisla », et les déportations vers l’URSS (Ukraine soviétique) qui l’on précédée, sous l’angle des droits de l’homme. Le refus de la responsabilité collective fait qu’ils ont une approche négative de l’Action Vistule. G. Motyka déclare : « Au lieu de combattre l’UPA par des opérations militaires décisives et bien préparées, les autorités ont eu recours à la déportation en masse de la population civile. La thèse suivant laquelle il s’agissait de la seule possibilité d’exterminer l’UPA est fausse. […] Le but véritable de « l’Akcja Wisla » n’était pas la liquidation de la clandestinité ukrainienne mais la solution finale du problème ukrainien ». Il y a une différence sensible chez les multi-perspectivistes sur la manière de décider des responsabilités de l’Action Vistule.

Selon R. Drozd, « La décision de la déportation fut prise par les autorités polonaises et approuvée par les Soviétiques, à la différence de celles des années 1944-46 qui se déroulèrent à l’initiative et sur ordre émanant du Kremlin. » E. Mironowicz et I. Halagida considèrent également les communistes polonais comme organisateurs de l’Action Vistule. Mais G. Motyka et R. Torzecki sont convaincus du rôle primordial des Soviétiques.

Examinons de prêt les opinions et les interprétations des mono-perspectivistes. Des chercheurs de cette tendance qui sont de nationalité polonaise prétendent que la politique nationale polonaise de l’entre deux guerre était loin d’être parfaite. La responsabilité de l’aggravation des relations polono-ukrainiennes repose sur les épaules ukrainiennes. Au sujet de la politique d’assimilation par l’Etat polonais en Volhynie, W. Filar écrit que « la réalisation d’une telle politique était l’objet de difficultés et en réalité était devenue virtuellement impossible. Pour les Ukrainiens, l’affirmation de leur propre identité reposait sur le refus de tout ce qui était polonais. Comme moyen de défense contre l’hostilité des Ukrainiens, les Polonais adoptèrent un nationalisme agressif identique à celui que proclamait le Parti National (Stronnictwo Narodowe). » Au nombre des nombreuses raisons qui ont conduit au meurtres des Polonais, ils considèrent que la plus importante fut l’idéologie de Dontsov sur le nationalisme intégral qui fut adoptée par l’OUN. D’après Z. Palski, « Cette idéologie fut responsable du massacre de milliers de Polonais et de Juifs … À cause de l’absence d’une conception légale et politique de l’existence d’un Etat ukrainien indépendant, des nationalistes usèrent de la forme la plus primitive pour donner naissance à cet Etat, laquelle fut l’extermination physique de tous les éléments considérés comme étrangers … L’extermination physique des Polonais devait remplacer l’absence de programme politique des Ukrainiens nationalistes. »

Les thèses de W. Siemaszko et E. Siemaszko sur les buts évidents des actions anti-polonaises de l’OUN-UPA ont été étendues à toute la Galicie et à la Lubelszczyzna. Suivant E. Siemaszko, « Ce fut préparé soigneusement, pour conduire consciemment à l’extermination biologique des populations polonaises en tant que groupe national … Ces actions visèrent tous les Polonais quel que soit leur âge et leur sexe … Elles étaient mises à exécution sous le slogan ‘Mort à tous les Polonais’. » Les plus graves allégations sont faites par R. Szawlowski. Il déclare que tous les Ukrainiens habitant les territoires mixtes sont responsables des crimes contre les Polonais. Il considère que ces crimes sont plus cruels que ceux commis par les Allemands ou les Soviétiques. Il écrit : « Le génocide ukrainien des Polonais … était évidemment destiné à exterminer rapidement tous les Polonais ici et là … depuis les enfants jusqu’aux plus âgés, sans aucune exception. Ceci peut seulement être comparé au génocide des Juifs par les Allemands. » Il faut souligner que les derniers représentants de cette tendance n’utilisent plus actuellement le terme extensif « génocide par les Ukrainien » mais lui préfère celui de « génocide par les Ukrainiens nationalistes. »

D’après les mono-perspectivistes de nationalité polonaise, ce génocide débuta en septembre 1939 et pris fin en 1947. Ils considèrent que tous les Polonais qui furent tués par des Ukrainiens sont des victimes du génocide, sans tenir compte des circonstances dans lesquelles ils trouvèrent la mort. Ainsi, les soldats tués par des rebelles communistes en septembre 1939, les victimes de criminels de droit commun, les soldats de l’AK tués dans des combats contre l’UPA, les Polonais qui ont servi dans les « bataillons de destruction » du NKVD (istrebitel’nye batal’iony – unités supplétives du NKVD formées de volontaires chargés de combattre les indépendantistes ukrainiens) dans les années 1944-45, les membres de la Police secrète (Urzad Bezpieczenstwa) tués en opération, ainsi que tous les miliciens et soldats de l’armée populaire polonaise, sont ainsi considérés comme victimes du génocide. Dans les estimations pour la période 1944-47, nous rencontrons donc des problèmes. L’assassinat d’un membre de la Police secrète ou de la Milice par la Résistance polonaise est considéré comme « élimination d’un collaborateur de l’occupant » mais le meurtre d’une personne identique par l’UPA est traité comme « un crime des Ukrainiens nationalistes ». Entre les mono et multi-perspectivistes, il y a un consensus en ce qui concerne le chiffre des victimes du conflit : 80.000 Polonais et 20.000 Ukrainiens.

Les chercheurs de la tendance mono-perspectiviste prétendent que, pendant la 2de Guerre Mondiale, le fossé entre les intérêts territoriaux Polonais et Ukrainiens était si profond qu’il n’y avait aucun espoir d’arriver à un accord. Ils considèrent les tentatives continuelles pour arriver à quelque agrément comme un jeu délibérément trompeur de la part des Ukrainiens. Leur but était d’endormir la vigilance de la clandestinité polonaise. Ces historiens ne prennent pas en compte les accords de 1945 entre l’AK-WiN et l’UPA dans la Lubelszczyzna, lesquels furent respectés. Ils regardent favorablement l’Akcja Wisla. Dans leur opinion, le bien-être de l’Etat a la priorité sur le droit des personnes. En conséquence, ils acceptent l’idée de responsabilité collective. M. Jasiak écrit : « L’expulsion du peuple ukrainien pendant l’action Vistule peut se justifier par la raison d’Etat polonaise. Les autorités de l’Etat ne peuvent permettre l’existence d’une clandestinité militaire qui tente de détacher une partie du territoire pour créer leur propre Etat national. » Dans un des articles de Z. Palski, l’Akcja Wisla est montrée comme une action humanitaire ( ! ) : « Les personnes de nationalité ukrainienne déplacées pendant l’Akcja Wisla ne se retrouvèrent pas sans logis ni ne furent abandonnés dans les neiges de la taïga ou les déserts du Kazakhstan. Ils ne furent pas envoyés comme travailleurs forcés dans les mines. On leur a donné les fermes des Allemands dans le nord et l’ouest de la Pologne, avec l’aide généreuse de l’Etat … La mise en œuvre de cette action pénible, radicale et décisive contribua à faire cesser le bain de sang et créa les conditions pour recommencer une vie normale … Le but de l’Akcja Wisla était de garantir la sécurité et la paix de tous les citoyens polonais, sans tenir compte de leur nationalité. Tout Etat est obligé de prendre les mêmes dispositions, sans tenir compte de leurs conséquences politiques. Les autorités polonaises les mirent en œuvre en utilisant le minimum de contrainte nécessaire envers certains citoyens de la République polonaise qui étaient de nationalité ukrainienne, lesquelles, à la lumière du droit international, violaient le devoir de loyauté envers l’Etat. »

Je considère E. Misilo, un Polonais ukrainien, comme un mono-perspectiviste. Il écrit seulement sur le conflit polono-ukrainien qui se déroula dans le territoire de la Pologne actuelle. Ceci lui permet d’ignorer les actions anti-polonaises de l’OUN-UPA en Volhynie et Galicie. Il ne fait pas mention de l’accord polono-ukrainien de 1945. Ceci est pour le moins surprenant puisque ses conséquences furent de la plus grande importance pour le problème qu’il étudie. Les recherches de E. Misilo se focalisent sur l’expulsion des Ukrainiens de Pologne vers l’URSS et sur l’Akcja Wisla. Si nous croyons ses conclusions, les autorités polonaises communistes étaient totalement libres de leurs décisions. D’après son modèle les Soviétiques étaient placés à égalité avec les Polonais communistes. Il écrit : « La signature de l’accord d’échange de populations par les autorités d’Ukraine soviétique, du Belarus, de la Lithuanie et de la Pologne était une des premières initiatives prise par la Pologne communiste. » Suivant E. Misilo, vers le mois de juillet 1945, les Polonais communistes décidèrent l’expulsion totale et obligatoire de tous les Ukrainiens. L’utilisation de la force par les Soviétiques pendant ces expulsions est secondaire. Elle rendit possible la réalisation de décisions prises auparavant. Il est aussi convaincu que l’Akcja Wisla était une initiative polonaise à part entière. Elle fut prise à la suite du refus par l’URSS d’accepter un autre groupe d’expulsés. E. Misilo minimise l’importance des actions de l’UPA. Il souligne la faiblesse militaire de ses formations et ignore les actions contre les civils polonais. En même temps, il insiste sur les brutalités de l’Armée polonaise, de la milice et de la Police Secrète. Le lecteur a sous les yeux le portrait d’Ukrainiens innocents, de Polonais communistes brutaux et cruels bénéficiant de l’appui général de la société polonaise pour l’expulsion.

Dans la troisième tendance « non-scientifique », on trouve un groupe représenté par E. Prus, A. Korman et J. Wilczor. Ils appuient tous sans restriction l’idée qu’on ne peut parler d’un conflit polono-ukrainien mais bien d’un génocide des Polonais par les Ukrainiens nationalistes. Les travaux de ces auteurs sont écrits sous la forme de pamphlets. Les livres de E. Prus et J. Wilczor n’ont pas de notes de bas de page mais présentent seulement une bibliographie. Ceci empêche les lecteurs de vérifier des faits qui sont souvent plus que douteux. Parfois, dans un de ses livres, E. Prus écrit que des Ukrainiens se sont entretués à Sachryn, près de Hrubieszow. Toutefois, l’historiographie polonaise et les Mémoires des soldats de l’AK établissent sans le moindre doute qu’il s’agissait d’une action de la clandestinité polonaise.
Lorsque A. Korman rédige des notes, leur contenu est parfois confus. Dans un texte, par exemple, il écrit : « L’UPA, qui combattait sous le drapeau noir et rouge de Bandera*, bénéficiait de l’aide du NKVD contre les Polonais, qui voulait la dépolonisation de la Malopolska Wschodnia et de la Volhynie, et était aussi aidée par les forces spéciales allemandes, spécialement par l’Abwehr II, dans sa lutte contre l’AK et les partisans communistes. » Dans la note, on peut lire : « Dans les actes du IIe congrès de l’Organisation des Ukrainiens Nationalistes à Kraków, il fut décidé que la bannière de l’OUN serait le drapeau rouge et noir avec la bande rouge au dessus et la noire en dessous … le rouge symbolisait Moscou et le sang tandis que le noir faisait référence à Berlin et à la terre ( !!!)
[* L’emblème de l’OUN-UPA était effectivement le drapeau à bandes horizontales rouge et noire et est toujours utilisé aujourd’hui sous le nom de « drapeau patriotique » - mais, dans l’ordre de préséance, il passe après le drapeau national ukrainien bleu et jaune. A l’origine, il s’agissait des couleurs d’une unité scoute ukrainienne fondée en Galicie polonaise pendant l’entre deux guerres  rien à voir avec Moscou ou Berlin !]

Ces auteurs donnent une estimation haute du nombre des victimes polonaises (300 à 500.000). Ils affirment que l’OUN-UPA ne luttait pas pour l’indépendance. Il n’y a pour eux aucun doute que le but principal des Ukrainiens nationalistes était le génocide des Polonais. Ils ne mentionnent aucune perte du côté ukrainien. Ils datent ce génocide des années 1939 à 1956. Dans leurs narrations, il n’y a pas de place pour aucun accord polonais-ukrainiens, ni ceux qui ont été conclus pendant la guerre ni pour celui de 1945, qui fut pleinement un succès. Tous les trois approuvent sans restriction les actes de la Pologne communiste et les démonstrations des formations militaires de celle-ci. Les membres des formations terroristes communistes (appartenant à l’UB ou aux istrebitel’nye batal’iony) étaient, selon eux, des représentants légitimes de la société et de l’Etat polonais.

Pour eux, l’action Vistule était la seule solution. E. Prus écrit : « l’Akcja Wisla était une réaction de défense du gouvernement polonais contre les meurtres scandaleux des Ukrainiens nationalistes dans le sud-est de la Pologne. Alors une opération préventive fut réalisée pour éviter un génocide. » D’après J.E. Wilczor, « Le véritable responsable de l’Akcja Wisla était le Quartier Général de l’Organisation des Ukrainiens Nationalistes en tant que chef de son aile militaire, l’UPA. Ce fut lui qui, menant la guerre civile sur le territoire de l’Etat polonais par des méthodes de combat inhumaines et génocidaires dans le but de faire sécession, provoqua cette action. »

W. Poliszczuk tient une place particulière parmi les non-scientifiques. Comme politologue ukrainien s’occupant, et parlant « scientifiquement », de la question des nationalistes ukrainiens, il est parfois considéré comme une personnalité crédible. Pour les lecteurs polonais, il essaye de jouer le rôle du « bon Ukrainien » ; bon, car il condamne le nationalisme ukrainien. W. Poliszczuk affirme que l’OUN-UPA n’était presque pas soutenu par les Ukrainiens et son important réseau n’avait pu être construit qu’avec l’aide de la terreur dans laquelle elle tenait les civils. Invariablement, il ne tient aucun compte des éléments traitant du combat pour l’indépendance dans le programme des nationalistes ukrainiens, pourtant fortement soulignés. D’après lui, la cause de tout le mal dans les relations polono-ukrainiennes est « Le nationalisme ukrainien qui ne doit pas être confondu avec le mouvement pour l’indépendance de l’Ukraine … Pour des raisons tactiques, le nationalisme ukrainien a identifié son idéologie avec le patriotisme ukrainien dès le tout début de son existence, trompant ainsi non seulement les Ukrainiens ordinaires, mais aussi les scientifiques, les politiciens et beaucoup d’historiens polonais et occidentaux. A franchement parler, le nationalisme ukrainien, est une forme aménagée et intensifiée du fascisme-nazisme, lequel est étranger au patriotisme ukrainien. »

W. Poliszczuk met en scène la corrélation suivante : le nationalisme intégral ukrainien est du nazisme, et l’Eglise gréco-catholique l’a aidé à se propager. Les gréco-catholiques étaient donc des nationalistes et non des patriotes. Le véritable et authentique patriotisme ukrainien se rencontre seulement en Ukraine orientale et non en Galicie ou Volhynie. Ecrivant sur l’Eglise gréco-catholique, il dit : « Cette Eglise devint une Eglise nationale, ukrainienne du Halychyna (Galicie) pour être précis, ainsi elle quitta la route de l’Eglise catholique en reniant le caractère international de l’Eglise romaine. » Il considère les organisations de droite d’Ukraine occidentale et des cercles de la diaspora comme marquées par le ‘Bandérisme’ [d’après le nom de Stepan Bandera (1909-1959) qui fut le chef de l’OUN en 1940 et 1941 puis de 1945 à 1959]. A partir de ces ‘preuves’, il trace des conclusions à longue portée d’un caractère purement politique telles que : « Aujourd’hui, des pourparlers polono-ukrainiens ne peuvent être tenus qu’entre Etats, puisque le nationalisme ukrainien n’a pas encore obtenu le pouvoir. C’est une erreur d’espérer un résultat positif des autres échanges tant qu’un puissant nationalisme ukrainien est présent en Pologne sous la forme de l’Association des Ukrainiens de Pologne ou, tant qu’à l’Ouest, la structure entière de l’émigration sera sous forte influence du nationalisme ukrainien. »

W. Poliszczuk, en représentant du groupe des ‘non-scientifiques’ de nationalité polonaise, appuie sans restriction l’Akcja Wisla. Il ignore délibérément les tentatives d’accords et donne également des chiffres exagérés du nombre de victimes de l’UPA aussi bien pour les Polonais (125.000) que pour les Ukrainiens (40.000).

Mikolaj Siwicki est le reflet miroir de W. Poliszczuk et de E. Prus. Selon lui, ce furent les Polonais qui commencèrent la lutte en Volhynie contre les « masses ukrainiennes », lesquelles, sous la pression, durent combattre à leur tour. Par la suite, il y eut les assassinats en masse des Ukrainiens commis par les Polonais qui voulaient repousser leur frontière plus à l’est en annexant la Galicie et la Lubeklszczyzna. Le but des Polonais était, d’après Siwicki, d’entreprendre le « génocide » des Ukrainiens. Pour ce faire, les communistes polonais collaborèrent avec le gouvernement de Londres. Sur le territoire de la Pologne actuelle, ce génocide « fut un plein succès ». Il évite de parler des pertes polonaises dans ce conflit et ne mentionne aucune activité anti-polonaise de l’UPA. En suivant Siwicki, les Polonais avaient toujours collaboré avec les occupants contre les Ukrainiens innocents. Finalement, il établi que la société polonaise, à la différence de la société ukrainienne, est « dégénérée », « vit dans l’obscurité du mensonge » et « a été, pour des siècles, infectée par les idéologies impérialistes ». En même temps, en utilisant des termes « ethniques », il essaye de prouver que la Podbeskidzie, la Lubelszczyzna orientale et la Podlasie sont des territoires ukrainiens indigènes. Dans ce monde manichéen, il n’y a pas de place pour un accord entre l’AK-WiN et l’UPA. L’Akcja Wisla est alors un acte de génocide contre les Ukrainiens. Dans les toutes premières pages de son livre, il déclare qu’une extermination des Ukrainiens eut lieu dans le territoire de la Pologne actuelle. D’après lui, ceux qui doivent être tenus pour responsables sont les autorités de l’émigration polonaise qui planifièrent et réalisèrent ce processus au moyen des troupes de guérilla et des civils, de même que les autorités d’après guerre qui reprirent l’idée de l’élimination des Ukrainiens mise en place par le Gouvernement en exil et qui la réalisa avec l’action Vistule. Si on tient compte des connaissances historiques certaines de M. Siwcki, il est difficile d’imaginer qu’il ignore à quel point il manipule les faits historiques.

En bref, il doit être dit que les quinze dernières années de recherche sur les relations polono-ukrainiennes ont fait des progrès importants. Ce fut possible grâce à l’abolition de la censure et à la possibilité d’accéder aux archives de la police secrète communiste. Les discussions et les échanges entre les cercles d’historiens polonais et ukrainiens apportent une aide extrêmement précieuse.
Ceci a permit de montrer que la « ligne de séparation » entre historiens ne se situe pas au niveau des antagonismes nationaux.

L’historiographie ukrainienne a ses propres multi (p.ex. Ilhor Iliuszyn ou Jaroslaw Hrycak) et mono-perpespectivistes (p.ex. Jaroslaw Daszkewycz ou Wolodymyr Serhijczuk) aussi bien que ses non-scientifiques (Zubenko Bohdnan).

[Veuillez pardonner les faiblesses de la traduction]


Texte anglais, plus les références et notes de bas de page :
[www.sipa.columbia.edu]

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Re: Historiographie récente polonaise : les relations polono-ukrainiennes
Posté par: boris-iwnow (IP Loggée)
Date: 26 février, 2007 20:54

Bravo i dzieki za bardzo interesujacy artykul.Zadam pytanie a co dalej? Kto bada stosunki Polsko-Ukrainskie obecnie?Dlaczego Daria moze robic kuchnie i religie?smoking smiley

Re: Historiographie récente polonaise : les relations polono-ukrainiennes
Posté par: Paul (IP Loggée)
Date: 16 juin, 2007 22:16

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