Szczerbiec est le nom donné à l’épée du couronnement des Rois de Pologne depuis celui de Władysław I Łokietek / Ladislas Ier le Bref (ou le nain), en 1320.

Cette épée, conservée au château de Wavel à Kraków, a été volée par les Prussiens en 1795.
En 1885, elle fut rachetée par l’ambassadeur de Russie à Paris puis envoyée au Musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg avant de revenir au Wavel en 1928 en vertu d’une clause du traité de Riga de 1921 entre la Russie bolchevique et la IIe République polonaise.
En 1939, face à la menace de la guerre, elle fut expédiée au Canada et n’est revenue définitivement en Pologne qu’en 1959 où elle est conservée au Château Royal de Wavel dans la Collection d’Art Nationale.

Bien qu'utilisée depuis un siècle, son nom, qui signifie « l’Ebréchée », n'apparaît pourtant pour la première fois qu’en 1447 pour le couronnement du roi Casimir IV Jagellon dans une chronique rédigée par le célèbre Jan Długosz.
Par la même occasion, on reprit la légende de son origine telle que décrite dans la Chronique de Grande Pologne de Gall Anonymous.

Ainsi, il fut dit que celle-ci appartenait au Roi Bolesław Ier Le Brave qui l’ébrécha en frappant la Porte d’Or de Kyiv en signe de victoire et de prise de possession de la ville lors d’une guerre contre les Ruthènes en 1018.

Cette légende ne résiste pas à la simple confrontation des dates.

- La Porte d’Or de Kyiv, édifice monumentale qui doit son nom aux clochetons dorés de l’église qui fut érigée par-dessus, fut construite en 1037.
Bolesław ne devint roi qu’en 1025. En 1018, il n’était qu’un simple prince.
- D’autre part, on ne semble connaitre aucune coutume qui aurait voulu qu’on frappe la porte d’une ville ou d’un château fort en signe de victoire après sa reddition.
- Finalement, l’épée du sacre n’est pas ébréchée et ne l’a jamais été !

Tout au plus, on remarque une forte érosion au centre de la lame – et non sur son ou ses tranchants qui sont parfaitement lisses et droits – due sans doute à l’obligation de nettoyer la rouille avant chaque cérémonie officielle où elle était présentée.
Le mot szczerba désigne plutôt une fente, une cavité qui apparait au haut de la lame et qui était destiné à recevoir des reliques. Au bas de celle-ci a été fixé le blason de la Pologne.

On observera en outre qu’il existe un intervalle de 300 ans entre le couronnement de Ladislas Ier le Bref et la date de la prise de Kyiv mentionnée dans la légende. La construction des épées a du varier au cours de ces siècles.

Cette épée est aussi manifestement construite en deux parties. D’une part, la lame, longue de 82 cm et large de 5 cm, est une forte lame tout à fait apte à servir au combat. De l’autre, la garde et la poignée sont clairement des éléments cérémoniels destinés à ne servir qu’à des occasions bien précises et surtout pas pour se battre.

Reste à savoir l’origine véritable de l’épée Szczerbiec, puisque c’est son nom consacré par l’usage.

Tout d’abord, il apparait que la lame est du type fabriqué dans la première moitié du XIIIe siècle. La poignée et la garde sont richement décorées de nombreux signes chrétiens, de motifs floraux et autres. A remarquer aussi au côté opposé une inscription hébraïque, peu courante, en caractères latins parmi d’autres éléments de décoration.

Parmi les inscriptions, une attire l'attention.
En partie manquante sur l’original, elle se lit : « Ceci est l’épée du Prince Héréditaire Bolesław, duc de Pologne, Mazovie , et Łęczyca » d’après une réplique qui appartenait à la famille Radziwiłł.

Qui est ce Duc Bolesław car aucun duc n’a jamais porté tous les titres mentionnés sur l’épée ?

Parmi les nombreuses hypothèses, l’une désigne le Duc Bolesław le Pieux qui a été détenteur des terres de Posnanie, de la Wartha et de Mazovie à partir de 1262-64. Ceci expliquerait surtout la présence d’un texte hébreu sur l’épée.

En effet, en l’an 1264, ce prince a publié une charte dite de Kalisz qui réglementait très favorablement les conditions de séjour des Juifs dans son duché. Ce document était si remarquable qu’il fut repris presque tel quel par le Roi Casimir le Grand afin de l’appliquer dans l’ensemble de son royaume.

Szczerbiec pourrait donc être un cadeau de remerciement de la communauté juive pour le duc de Grande Pologne.

Ladislas le Bref a épousé en 1293 la fille de Bolesław le Pieux mais leurs fiançailles avaient été annoncées le 14 avril 1279, le jour même du décès du Duc de Grande Pologne.

Est-ce pour cela que Szczerbiec fut utilisée pour la première fois pour le sacre d’un Roi avant de rejoindre les trésors de la couronne ?



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