Citation:Vendôme a dit : A l'instar de Proust et de ses madeleines, de Stella j'ai gardé la nostalgie des tartines de smalec z skwarkami que nous concoctaient les dames de la cuisine (dont peut-être la Babcia de Jean-Marc...)
Vendôme a encore précisé :... smalec z skwarkami (…)avec un pincée de sel, voire quelques rondelles de rosette ou de tomate.
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Il devait y avoir des privilégiés à la colo de Stella-plage, car si je me souviens bien des tartines de smalec, les rondelles de « rosette » n’ont pas marqué mes souvenirs , à moins que…
Il faut dire que j’arrivais plus tard dans cet univers déjà investit par Vendôme et les ulan-indiens, maîtres des lieux, initiateurs d’acrobaties réservées aux plus grands et qui ont dû disparaitre quand la tribu se dispersa atteint par la limite d’âge réglementaire. En effet ces jeux d’
arbrobaties et de
parabranchutages n’ont pas été transmis à la relève, ou bien se faisaient discrètement dans des lieux connu uniquement des initiés, ou peut-être bien, finalement interdit par la haute direction Grochowskarienne, d’une main de fer comme seule pouvait en avoir la Directrice et son assistante dans ce centre du monde.
Revenons à nos smalec. Les tartines dont je me souviens et qui ne sont peut-être pas les mêmes que celles tartinées plus haut, n’ont pas gardées la même saveur proustienne dans mes souvenirs, même si je puis dire que nous nous en régalions quelque fois. J’avais déjà apprécié cette spécialité, car ma mère en préparait quelquefois chez nous, comme elle avait dû voir faire sa mère auparavant et je me rappelle avoir vu les pots de grès se remplir de cette graisse chaude et liquide, de ces petits morceaux de lards de poitrine de porc croustillants et aussi de ces oignons revenus. Ensuite, il fallait attendre patiemment que l’ensemble fige et devienne blanc et tartinable…rangé dans le meuble bas de la cuisine.
Alors, je ne fut pas étonné d’en voir à Stella , mais il me semble que les tartines distribuées ne l’étaient que les soirs où l’ordinaire avait été plus léger que d’habitude et que nos estomacs n’étaient pas suffisamment rassasiés.
Certes, les premières tartines étaient semblables à celles préparées à la maison , avec ces émergences qui s’étaient quelque peu confites dans la graisse figée et qui étaient vite engloutis par les voraces du réfectoire, petits et grands. Et comme nous en redemandions, on nous disait souvent qu’il n y en avait plus. Devant notre détermination, enfin, une bonne âme, se décidait souvent à satisfaire nos appétits, et du fond des cuisines, des nouvelles tartines arrivaient , tout en nous précisant que ce n’étaient pas les mêmes et qu’en principe on n’aurait pas dû en avoir. Je crois me souvenir que l’on nous aurait dit qu’il s’agissait cette fois-ci du saindoux pur réservé à la cuisine pour la cuisson. En effet, pas de croustillant, uniquement cette matière blanche, parsemé de sel, mais qui pour nous était sensiblement la même chose, mais qui devaient provenir de la réserve réfrigérée située à gauche du bureau directorial, sagement empilées, comme des briques de papier d’aluminium.
Il paraît que « certains » avait droit à la rosette…mais pas encore à la boutonnière. Ces soirs-là les tablées avaient du mal à quitter les lieux, et on entendait le brouhaha des adultes, en vacances, eux aussi, partageant ce lieu, dans le fond de la salle, vers les cuisines. Avaient-ils eu, eux aussi, du smalec ?…
C’est vrai que certains soirs, l’ordinaire était assez ordinaire, malgré les efforts des cuisinières pour agrémenter ces repas, à part peut-être ces fameuses soupes au lait, sucrées, dans laquelle nageaient quelque macaronis, dont je me souviens encore et mes larmes de gosse, aussi.
Alors il fallut bien que l’on essaie d’améliorer le repas ,tout au moins pour un soir, un certain soir…
Il faut dire que je m’étais fait copain avec un autre parisien avec qui nous n’étions pas les derniers pour innover dans le « non-conforme » enfantin et nous étions déjà repéré par les moniteurs, allez savoir pourquoi ! Nous avions alors, onze ou douze ans.
Enfin cela partait d’un bon sentiment et ce jour-là, nous décidâmes d’apporter du nouveau à notre tablée, celle qui occupait la grande table perpendiculaire à l’entrée du réfectoire, et légèrement sur la droite.
Nous avions dès lors établit notre plan d’action. A savoir : dîner avec supplément en fin de repas, avec le fameux smalec, sans doute.
Pour cela, nous avions repéré une petite épicerie sur l’avenue principale qui menait à la plage et devant laquelle nous passions pratiquement tous les jours. Nos parents nous ayant laissés deux-trois pièces afin de pouvoir acheter quelques cartes postales et glissés les timbres-postes dans nos affaires personnelles. Encore aurait-il fallu que l’on s’arrêtasse devant un marchand de souvenirs pour acheter ces fameuses photos porteuses de messages.
Nous en décidâmes autrement, avec Edmond, mon copain.
C’est décidé. C’est aujourd’hui, en rentrant de la plage, et cela tombe bien, la boutique se trouve sur notre trottoir. Alors, on ralentit le pas, de plus en plus afin que le gros de la troupe et les monos pris dans un élan joyeux se dirigent d’un pas allègre vers la maison-mère. Voilà, la distance est bonne, on est loin derrière, et à la hauteur du magasin de l’homme au crayon coincé sur son oreille. Hop ! nous voila dans l’antre aux saucissons et autres victuailles. Un coup d’œil rapide sur le saucisson convoité, mettant en commun notre pécule, versant le montant de l’achat dans le ramasse-pièce en verre sur le comptoir, vite fait emballé dans un papier cellophane et glissé dans le sac de plage. Au revoir et merci, m’sieur !
De retour sur le trottoir, nous réalisons que l’on a prit bien du retard et que certainement les autres vont s’en apercevoir et s’en doute nous attendre après le virage.
Il nous faut une excuse.
Facile ! Mon papa m’avait confié un petit canif, comme pour les grands, pour tailler des bouts de bois, couper des ficelles etc…et que je mettais au fond de mon sac, la où se trouvait également la « casquette américaine » avec la visière en plexi.
Et n’hésitant pas, nous nous écorchâmes mutuellement les mollets à grands coups de lame de couteau, bien ce qu’il faut, afin que des traces sanguinolentes prouvent nos blessures, que nous nous serions faîtes pendant l’après-midi !
Et nous voilà, boitant, trainant la patte et arrivant péniblement à la hauteur du groupe, qui bien évidemment nous attendait au tournant. Et nous, de leur expliquer, surtout aux moniteurs, que pendant l’après-midi on avait joué dans les dunes, fait des glissades et que nous étions tombés en roulant dans un bosquet d’argousier, cet arbrisseau aux pointes acérées…dont Vendôme connaissait aussi les vertus.
Evidemment, notre excuse parut douteuse, mais les preuves étaient-là, tachant le bas de nos chaussettes, mais cicatrisant très vite…Et surtout le sauciflard ne dit rien, bien roulé dans le fond du sac.
Il ( le sarcifolo) ne ressortit que pendant le repas, et plus précisément à la fin de celui-ci, peut-être pour agrémenter le smalec. Il fut coupé en de nombreuses tranches avec le fameux canif, dont la lame avait été rincée. Toute la tablée reçut sa part et chacun apprécia ce supplément….sauf la direction, bien entendu, qui c’était aperçu de notre distribution généreuse !…
Etait-ce de la rosette ?…
Ce qui nous valu, à Edmond et à moi…..mais ceci est une autre histoire, pour plus tard…( à suivre).